Chemin de la Mothuet

Il ne conduit pas au Mont-Saint-Michel
ou à Saint-Jacques-de-Compostelle
c’est un petit chemin parallèle
à la départementale deux cent onze
qui file à l’ombre des arbres
entre des parcelles agricoles
rigoureusement exploitées
où rien d’adventice ne survit

Il permet aux animaux non motorisés
d’éviter la route et ses dangers
et d’avancer dans un calme
secret, feuillu et enchanté

Poliment, il passe à distance des maisons
pour ne pas déranger leurs habitants
et c’est de loin qu’on aperçoit la Mine

On le retrouve au bout d’une petite route
au dos de l’imprimerie
Technigraphic où beaucoup de gens
du village ont travaillé, faisant les trois-huit
pour rentabiliser des machines coûteuses

Ça ventile bruyamment
mais quelques petits ormes
survivent sous la protection des chênes

À partir de la Grange rouge
plus de bitume
une spirale verte
qui entraîne au loin
entre les robiniers
vêtus de lierre
hauts comme des piliers d’église
et les érables champêtres

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Prunellier

À mes nièces Prunelle et Iris

Pour le prunellier,
je voudrais un poème simple et acéré
comme une épine
qui irait droit au cœur

Ou mieux encore plongerait en léthargie
les moteurs et machines
et l’on n’entendrait plus
que les pinsons et mésanges
Ils font du bien à l’âme humaine
qui se souvient d’avoir été oiselle

Jubilation fraîche
du premier printemps, prunellier
met ses dentelles
immaculées à sécher
blanches à contre-azur
sans feuilles, tout en fleurs
au bout des épines noires Continuer la lecture de « Prunellier »

Saule du nouvel an

À fréquenter le vieux
saule têtard chevelu
sorcier de la Gaule
au bord du terrain de foot
saule blanc, j’imagine
me revient toute la cohorte
des marais, rives et fossés
marsault, vime
osier multicolore
lusse, gravange
saule fragile

avec le saule
baguette d’Hermès
espérons voir l’an
gagner en légèreté
et souplesse, flexibilité, rebond
monter vers les cimes

avec le saule
découvrir les secrets d’endurance
et d’optimisme du castor
toujours à bâtir, à rebâtir
sans découragement
dopé à l’acide salicilyque
ou pas, pour l’année

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L’obier de la Corbionne

Faut avouer
suis amoureux
d’un buisson
fort percheron
à en croire
l’Atlas des plantes sauvages
de l’Orne
qui peut atteindre
deux ou trois mètres
viorne obier
Viburnum opulus

Je la cherche
et ne la trouve pas souvent
pourtant, comme la poésie, mais

opulente et sauvage
une aube poétique lève
toute blanche
dans la sève
de la vieille langue
Aubour, albor
écrit le Roman d’Énéas

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Vocation de l’arbre

Comme ils restent de bois, ne cheminent pas, ne s’agitent guère sauf quand le vent souffle, comme nous les retrouvons quand nous les avons plantés là, nous peinons à comprendre qu’ils font davantage que de passivement offrir des fruits, un refuge, de l’ombre, de la fraîcheur, un perchoir. Tout juste nous espérons qu’ils puissent absorber l’excès de dioxyde de carbone que nous avons diffusé dans l’atmosphère.

Chaque arbre est un monde qui porte ses forêts de lichen et de mousse, ses tribus variées d’insectes, d’araignées ou de cloportes, et combien de continents pour des animalcules invisibles. Comme des bergers sur leurs échasses, ils prennent soin des troupeaux du vivant.

Leur action mystérieuse ne s’explique pas toujours : dès qu’on entre sous leur voûte verte, les muscles des épaules et de la nuque perdent leur raideur. On y prend une idée plus raisonnable de notre importance et de la brièveté de nos existences. Si vous couchez un bébé sous un arbre dans lequel les rayons du soleil jouent avec la transparence des feuilles, il cessera de s’énerver et de pleurer. Le malade guérira plus vite s’il voit un arbre par la fenêtre.

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Catalpa comment

En dévalant la pente
vieillesse, tristesse,
pierres qui roulent en avalanche
peut-on s’accrocher aux branches
d’un arbre
Nous retiendront-elles
au-dessus du gouffre ?

Quelle joie dans le catalpa
dont le nom commence,
je ne l’ignore pas
comme catastrophe
et finit comme mea culpa ?

À vrai dire
je tombe de paulownia
en catalpa

Leurs grandes feuilles
se ressemblent un peu
et offrent le même
rafraîchissant ombrage
mais les graines du premier
habitent des capsules arrondies
tandis que celles du second
pendent dans de spectaculaires
haricots géants que le botaniste
appelle siliques

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Rencontres sous le paulownia

Ce représentant de
l’internationale des arbres
que l’on a baptisé
Paulownia tomentosa
en l’honneur d’une
grande-duchesse de Russie,
puis reine consort des Pays-Bas
Anna Pavlovna Romanova
mécène de recherches botaniques
annonce-t-il quelque opérette
avec ballet de robes violettes
grandes feuilles en forme de cœur
quelque féerie en costumes
d’Obéron et Titania ?

En tout cas
peu d’arbres portent
le nom d’une femme
et, au Japon, paraît-il
on en plantait un à la naissance
d’une fillette
À l’âge du mariage
il était assez grand
pour fournir une dot
et le bois des coffres

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Pérégrination du pêcher

Par quel bout
raconter le pêcher
qui existe au moins
sous trois formes
fleur rose précoce
petit arbre aux feuilles lancéolées
et fruit voluptueux

Déjà par où entamer la pêche ?
Pavie, nectarine, brugnon,
sanguinole, alberge
péché capital
presque sphérique
dont le toucher
peut faire frissonner

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Baguenaudier

Poète amateur
hésitant randonneur
je muse, je musarde
dans la montagne
vers les sources de la Colombe
dans la Drôme

Au bord du chemin abandonné
un buisson m’interpelle
fleur jaune papillonnante altière
comme un genêt
rameau frais de robinier miniature
et surtout étonnant
flotteur ou bulle végétale
nettement couturée

Et miracle, selon mes flores
il s’appelle en français
baguenaudier arborescent
Et c’est décidé
je baguenaude
sur les pentes
et dans les mots

L’activité puérile
et inutile
consistant à faire éclater
la baguenaude
(rime à chiquenaude)
aurait donné naissance
à ce verbe de flâneur

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Hallier de genêt

Ô papilionacées
aux derniers jours de mai
se pose une floraison d’or
soudaine en bordure du bois

Coup de balai
dans les poussières et vieilleries
qui m’éloignent de la poésie
car de vrai je n’ai
pas encore célébré le genêt
qu’on appelle prosaïquement
broom en anglais
genêt à balais

Savant, Heinrich Friedrich Link le baptisa
mil huit cent vingt-deux cytisus scoparius
Mais Pline ou Virgile appelaient genista
ce bien-aimé des abeilles

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