Printemps de l’aubépine

Au printemps
en même temps
que les ombelles plus discrètes du sureau
aubépine jette sa robe de mariée
ses voiles neigeux, mousseux
immaculés et somptueux
en travers de la haie,
la déborde et l’enjambe

Sa beauté semble jaillie
d’un autre temps
d’un autre espace
d’une flore imaginaire
aubépine, roncenuit,
créprunellule
et l’on veut bien croire
qu’elle est enracinée
dans le pays des fées
que son terreau est le mois de mai
dédié à la vierge Marie
constellation de fleurs à cinq pétales
touchées de rose

Quand l’épine blanche fleurit
parmi ses feuilles finement ciselées
de lobes d’un vert délicat
la couronne du christ frémit
le bâton de Joseph d’Arimathie
bourgeonne à Glastonbury
Marcel Proust est pris de vertige
Guillaume d’Aquitaine, troubadour
se souvient d’un matin
où l’on mit fin à la guerre
Enquer me membra d’un mati

Que nos fesem de guerra fi
Thomas le Rhymer
poète et devin écossais
disparaît un instant avec la reine des elfes
et réapparaît sept ans plus tard

Son parfum au printemps
contribue à embaumer l’air
mais quand il devient trop lourd
trop pénétrant, par quelle sorcellerie
prend-il un vague relent de charogne ?

Au cimetière des Innocents
en août une aubépine refleurit
et les massacreurs de la Saint-Barthélémy
y virent une approbation divine

Au temps où fleurit l’aubépine
mondes entrevus, paradis esquissés
intuitions insaisissables
un de ces miracles éphémères
qui ne tiennent que la durée
d’un poème

Illustration tirée des Grandes Heures d’Anne de Bretagne, enluminure, BNF-Gallica.

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