Chêne cherokee

Photo : chêne rouge de La Mennaie, Ploërmel, Morbihan, Yannick Morhan, site Les têtards arboricoles

À Dorceau, dans le Perche
entre le cimetière et l’église
dans la forêt de Bellême
au coin d’un bois
quel est-ce chêne
aux feuilles plus anguleuses
et plus grandes
plus lentes à se décomposer
aux glands plus abondants
dont la cupule est plus courte
le tronc plus lisse
que ceux d’ici ?

Ses couleurs automnales
ont décidé Linné
à le baptiser chêne rouge
dit aussi chêne du Canada
ou d’Amérique, quercus rubra

Quelqu’un au dix-septième
ou dix-huitième siècle
a rapporté des glands d’Amérique
dans une caisse à fond de cale
et bientôt toute l’Europe
a fait pousser des chênes rouges
à la croissance plus rapide
au bois moins solide
si bien qu’on le considère
comme invasif, ici et là

Depuis toujours, les hommes voyagent
avec des arbres dans leurs bagages
Celui-ci fut rapporté de l’Est américain
de La Louisiane au Québec
des Grands Lacs au Kentucky

Et je rêve à d’autres qui ont vécu
davantage de siècles avec lui
Potéoutamis, Omahas, Ojibwas
Micmacs, Iroquois, Chippewas
de son écorce, de ses feuilles ont tiré
toute une pharmacopée
Les Pawnees l’appelaient
nahata-pahat, l’arbre rouge

Ils mangeaient ses glands
après les avoir lessivés
avec de la cendre
jusqu’à ce qu’ils enflent
rincés à plusieurs eaux
séchés, broyés
pour confectionner
une farine à gruau

Les tentatives successives
des villages cherokees
face à l’avancée des colons
pour inventer une solution
« royaume du paradis »
qui voulait accueillir
déserteurs et esclaves échappés
syllabaire de Sequoyah
république cherokee
ont été abritées
par les chênes rouges
qu’ils en soient remerciés

Nous communiqueront-ils
l’inventivité qui nous manque
aujourd’hui ?

Laisser un commentaire