Bibliographie

Romans
Le Chevalier véridique, Anep (Alger), 2022.
Tuer Napoléon III, Plon,  2014.
Les Spadassins, collection blanche, Gallimard 2005
Rue de la Femme-sans-tête, collection blanche, Gallimard 2000.
Jordan Fantosme, collection blanche Gallimard 1997, Folio.

Romans jeunesse
À la poursuite de l’enfantôme, collection « Hors piste », Gallimard jeunesse, 2008.
La Fureur d’Andarta, collection « les fantastiques » Magnard 2002 ; La Mirandole 2008.
Mademoiselle V., collection « les fantastiques » Magnard 1999, « Tipik » 2005.

Traductions
En descendant River Road de M. Mwangi, Dapper, octobre 2002.
La Maison de la faim de D. Marechera, en collaboration avec Xavier Garnier, Dapper 1999.
Soleil noir, de D. Marechera, en collaboration avec Xavier Garnier, Vents d’ailleurs, 2012.

Parutions en revue
« Marx contre Dracula », Page des libraires, 1998.
« Peuplier noir (une tentative de meurtre) », « Notes en défense de la fiction » et « Ce n’est pas moi qui l’ai tué, c’est une coïncidence », Kwak n°1 de septembre 2005 (éditions du Panama). « Interview imaginaire de Michel Zévaco », « Les 3 morts de Jean des Abymes », « Tabourot des Accords », « Le Jeu par excellence », Kwak n°2 de mars 2006.
« Le Hussard de Brunswick » (feuilleton), « La poésie gnomique, aux sources de la littérature », « Rébus picards », « Le calembour », dans divers numéros de Thésaumag en 2003-2004.
« Les éléphants et moi », Le Journal des lointains, n°2 d’octobre 2005 (aux éditions Buchet Chastel).
« Les Entrailles des villes », Otrante n°23, Londres fantastique, printemps 2008.
« Éloge d’un éditeur défunt », Décapage n°24, deuxième trimestre 2008, « Mes machines à temps », Décapage n°26, troisième trimestre 2008 (éditions de la Table Ronde).

Ma vie dans les librairies

Librairies

Une fois ou cinquante fois, ici ou là, je suis allé dans une de ces librairies, parfois intimidé ou hésitant, comme à un premier rendez-vous, toujours un peu ému et souvent heureux comme un enfant le soir de Noël. Étaient-ce pour moi des temples dont les libraires auraient été les desservants ? J’ai erré dans la forêt des signes, fouillé, trouvé de véritables cartes au trésor, et régulièrement eu des vertiges en achetant des livres qui n’étaient pas du tout dans mes moyens. J’y ai dédicacé mes romans à des poignées de lecteurs qui étaient surtout des lectrices : « Vous savez, moi, les romans, c’est surtout ma femme qui… »
J’y ai quelquefois lutté contre une tristesse noire en achetant un livre, Le Mal des fantômes de Benjamin Fondane, par exemple. Je veux bien avaler toute la tristesse du monde tant qu’il y a la force de la beauté. Chez un bouquiniste des quais de Paris, j’ai trouvé précisément plusieurs volumes du livre que je cherchais ce jour-là, Vie des grands capitaines français et étrangers de Brantôme.
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Argile à silex

Ici le soc de la charrue
quand on laboure
la terre grasse
tinte souvent
sur une dure caillasse

J’habite un pays de silex et d’argile
On dit même d’argile à silex
La dialectique est naturelle

Incisif et concis, silex parle au poète
une langue tranchante

Substance amorphe et fuyante, argile
pose un autre défi

alourdit les souliers
les sabots quand on arpente
la terre mouillée, et ralentit
et tire vers le bas

Silex, frappé sur un roc ferreux
provoque une étincelle

Silex allume le coup de feu
d’une platine à miquelet

Mais argile a du talent
piège l’eau
apprend aux doigts
à modeler en
trois dimensions

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La guerre de Troie n’a jamais cessé

Nous souffrons de la persistence d’images et de faits
je ne saurais dire s’il s’agit de leur éternel retour
ou d’un temps qui ne s’écoule pas
collé à nous, dans lequel nous sommes englués
mouches sur un tortillon empoisonné

Nous souffrons du perpétuel recommencement
de drames antiques, comme si rien n’avait changé
comme s’ils étaient cloués dans notre chair
quoique nous nous démenions pour leur échapper
C’est le versant noir du mythe
un piège qui a refermé
ses dents sur nous

Une obscure obsession, une noire histoire d’intérêt
recommence sans cesse la guerre de Troie
la destruction de ses temples
le massacre de ses enfants et de ses femmes
Ô Polyxène, Cassandre, Astyanax
Andromaque, esclave dans la maison
de l’assassin des siens Continuer la lecture de « La guerre de Troie n’a jamais cessé »

Objets d’enfance

 

Elisabeth Vigée-Le Brun (1755-1842), peintre
Pajou Augustin (1730-1809)
Paris, musée du Louvre

Voulant écrire un petit texte sur un objet, pour préparer un atelier d’écriture au centre pénitentiaire d’Alençon-Condé sur Sarthe, il ne m’est venu à l’esprit que des idées qui paraissaient remarquablement mal choisies.

Ainsi, j’ai d’abord pensé au premier jouet dont je me souvienne, un camion miniature, probablement de la marque Dinky Toys. Ce modèle de Citroën HY noir et blanc, marqué «Police», servait de «panier à salade » comme on disait. C’était un véhicule d’apparence étrange, très carré de forme, avec des parois de tôle ondulée. J’étais tellement petit que l’idée de police ne devait rien évoquer pour moi. Je crois que ce camion Citroën est le seul objet qui fasse le lien entre l’avant et l’après d’un déménagement. Il possédait peut-être la caractéristique rassurante de continuer à être là, alors que tout avait changé autour de moi. Continuer la lecture de « Objets d’enfance »

Avec un guide aveugle, Jorge Luis Borges

Le cheminement de mots qui me conduisit aux textes de Jorge Luis Borges est détourné, comme il convient. Je crois que je découvris son nom à travers un de ses traducteurs français, l’écrivain Roger Caillois que j’avais croisé dans la correspondance du poète Saint-John Perse. C’était au cours de la préparation d’un long exposé avec mon camarade Édouard Schalchli, en première année de classe préparatoire au lycée Victor-Hugo, un établissement situé près du musée Carnavalet à Paris. Les recherches que nous consacrions tous deux à ces présentations démesurément approfondies et exhaustives, les longs entretiens que nous avions à leur sujet m’ont sans doute davantage formé et davantage appris que tous les cours que j’ai suivis. On ne sait pas à l’époque où on les pratique que ces travaux de jeunesse ne cesseront jamais de nous accompagner et qu’on ne dépassera que rarement les étapes intellectuelles franchies en ces temps reculés.

Les nouvelles de Fictions se sont présentées d’abord, puis celles de L’Aleph. Même si ces textes ressemblaient assez peu à des fictions, tant s’y mêlait le discours, l’argumentation paradoxale et le récit, mon enthousiasme a été immédiat. Mon goût de l’étrangeté et des labyrinthes était comblé. L’érudition devenait une branche de la littérature fantastique : impossible de savoir si telle encyclopédie, tel traité était une invention ou avait réellement paru. Les vertiges rigoureux des mathématiques y fécondaient l’imagination, comme dans une page de Pascal. Sans faire de différence, et d’ailleurs y en avait-il une, je dévorai aussi tous ses courts essais, L’Auteur et autres textes, Enquêtes etc., et je me pris d’une passion durable pour certains des sujets obscurs qu’il évoquait, les kenningar des épopées islandaises, les différentes éditions de l’Encyclopedia Britannica.

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Mai 68, Un étrange printemps-1

Le monde dans lequel j’ai vécu ma jeunesse me laissait tellement perplexe que j’ai même essayé de comprendre mai 68.

Mai 68, un étrange printemps (trailer 1) from Les Films des quatre planètes on Vimeo.

Un film de Dominique Beaux,écrit par Dominique Beaux, Jean-Baptiste Evette et Bernard Barazer, produit par les Films des quatre planètes, avec, notamment, Maurice Grimaud, Edouard Balladur, Jean Méo, Pierre Juquin, Claude Poperen…

J’ai été une jeune fille du temps jadis

Comme les autres enfants de mon temps, affalé, j’ai lu des « illustrés » comme on disait, en vrac, Tintin ou Gaston Lagaffe d’André Franquin, un vrai rebelle lui, mollement mais définitivement insurgé contre les obligations les plus élémentaires de la vie. Je plongeai tout un été dans les westerns nordiques de la grande forêt, Le Tueur de daims, Le Dernier des Mohicans, Le Lac Ontario, Les Pionniers, La Prairie de Fenimore Cooper, suivant des coureurs des bois à travers un monde nostalgique qui se savait voué à disparaître ; je les relirais bien des années plus tard en même temps que mon fils, et ils n’auraient rien perdu de leur saveur.
Il y eut aussi les romans de la comtesse de Ségur, avec une vague impression de dégoût à la lecture des Malheurs de Sophie, mais de l’enthousiasme pour Le Colonel Dourakine, déjà les Russes ! Sans famille d’Hector Malot, tiré de la bibliothèque de ma grand-mère, me fait encore rêver ; Les Cinq Sous de Lavarède de Paul d’Ivoi, délicieux de fantaisie, mais aussi la série des Jalna de la Canadienne Mazo de la Roche, des torrents d’eau de rose et de nature sauvage, et première lecture sans doute d’une scène érotique un peu floue (si du moins on exclut du genre les fessées de la comtesse de Ségur), que j’imagine commencée sous l’orage, dans des vêtements trempés, poursuivie au coin de la cheminée massive du manoir vaguement gothique de Jalna… Mon Amie Flicka, Le Fils de Flicka, etc. de Mary O’Hara, pour les chevaux, et surtout les paysages imaginaires du Wyoming. Continuer la lecture de « J’ai été une jeune fille du temps jadis »

La moutarde et Les Deux Bossus

les-deux-bossusMon premier souvenir de lecture, il me semble, remonte à un album du Père Castor, illustré par Gerda Muller, alors que je ne sais pas encore lire. Comme je tousse beaucoup, je reste au lit et je porte sur la poitrine un cataplasme à la moutarde. Dans mon souvenir, c’est un remède aussi inefficace que désagréable. Mon père pour me faire patienter me lit un conte dans un album.
C’est une histoire de petit tailleur breton bossu et de korrigans. Le mot « korrigan » me séduit ; il semble venu de loin, peut-être de la langue de Bretagne, il sent bon le roc et la bruyère. Les korrigans, minuscules et puissants magiciens, dansent la ronde des jours de la semaine, en l’accompagnant d’une petite chanson entêtante, et pourtant, ils n’en connaissent pas la liste complète que je sais déjà. Sans doute leur grand pouvoir est-il lié à cette ignorance mystérieuse. Sur les illustrations, ils ont l’air d’enfants espiègles, et seule la lecture permet de deviner à quel point ils sont dangereux
L’or des korrigans se change en charbon, si bien que la brûlure de la compresse de moutarde, la bosse du bossu et le charbon resteront durablement associés dans ma mémoire. C’est en Dordogne pendant les vacances, et la bronchite raccourcit ma respiration, mais la chambre disparaît, et je vois une lande semée de gros rochers tant l’illusion et le dépaysement suscités par le conte me transportent.

Une vie dans les livres