La Fée et la Diablesse, de Lucia Lazzerini, aux éditions Carrefour Ventadour, par Édouard Schaelchli

            À quel type de réflexion doit nous conduire le livre (on ne sait par quelle épithète le qualifier : candidement étrange, ou merveilleusement retors ?) de Lucia Lazzerini que publient les Cahiers de Carrefour Ventadour ? Le titre, séduisant au possible, La Fée et la diablesse, se double d’un sous-titre auquel il faut bien prêter attention si l’on ne veut pas, tombant dans le travers d’une lecture non pas tant naïve qu’importunément complaisante aux clichés d’un féminisme à double tranchant, passer à côté de l’essentiel, qui est sans doute d’interroger en profondeur nos conceptions en matière de parité ou d’égalité, en nous obligeant à doubler (à notre tour) une approche qui se voudrait platement sociologique d’une approche plus détournée empruntant les voies transversales d’une poétique ouverte aux enjeux politiques et idéologiques : Histoire d’une hantise poétique et mondaine de Flamenca à Calendau et Pinocchio jusqu’à La Recherche du temps perdu. Ouf, respirera peut-être l’éventuel lecteur que nous invitons assurément à prendre son souffle avant de se lancer dans une pareille navigation à travers les siècles, les thèmes, les genres et les milieux qui, se croisant allègrement dans cet essai aux allures mêlées de pamphlet et de roman historique, composent un surprenant, déroutant et parfois inquiétant kaléidoscope.

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Gloire de l’épine



Je voudrais aussi proférer l’éloge des arbres qui ne sont pas de haute futaie ou de vieux lignage. Gloire, donc, au buisson épineux et antipathique, à l’obscur conquérant des pentes rocailleuses et ingrates, des sous-bois mal éclairés.
S’il ne domine pas, si son tronc est souvent trop irrégulier pour servir le menuisier ou l’ébéniste, n’est-il pas tout autant arbre que d’autres essences plus révérées, et peut-être davantage même, par sa sauvagerie ?
Gloire au houx, sans doute, car ses feuilles hérissées restent vertes, et ses baies sont toxiques, mais aussi au genévrier, sombre et piquant, dont les grains noirs et fripés aromatisent les alcools du nord. On n’y grimpe pas !
Celui qui serait tenté d’étreindre l’aubépine, parce que ses fleurs sont mousseuses et blanches comme une robe de mariée, parce qu’elle diffuse un parfum parfois suffoquant, risque bien de s’y déchirer, mais célébrons-la !
Quelle séduction dans les pointes aiguës du prunellier, dans ses fruits spectaculaires, bleus ou violets, finement poudrés, charnus et délicieusement immangeables ! Il nous offre à la fois la quenouille de la Belle au bois dormant et sa bouche froide et âpre.