Miracles de l’églantier

C’est le jour où célébrer
la gloire d’une fleur
églantine
et du buisson épineux
qui la rehausse
d’obéir
à son invitation
d’ailleurs, elle attend à ma porte
rejetée d’un porte-greffe taillé
trop court

Car si l’arbuste est églantier
jadis aiglant, ou aiglantier
pour ses épines griffues
comme des serres
la fleur est églantine
d’où l’on baptisa beaucoup
de jeunes filles en fleur
des siècles précédents

Sa corolle, jupe de cancan
pour la troupe de Mademoiselle
Églantine, avec Jane Avril
ou plutôt mai ?

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Au coing

Quel mystère
cache le coing
Cydonia oblonga ?

Au moins un « g » muet
comme à sang ou poing
ancêtre dur à cuire ?

Le nom de l’arbre
« cognassier »
évoque d’ailleurs une dureté
que ne dément pas
toujours la chair du fruit

Ses roses
délicatement roses
à cinq pétales
au bout de branches torses
égaient au printemps
les bords des rivières
et des fossés

Petit, râblé
souvent mal coiffé
dans la Drôme
j’en suis témoin
il repousse
naturellement
et résiste à la canicule

Né sur quelque rivage
de la mer Caspienne
Iran ? Azerbaïdjan ?
il aurait parfumé
les jardins suspendus
de Babylone

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Amélanchier

Amélanchier

Pas facile, direz-vous
de rimer
l’arbuste des pierriers
calcaires ensoleillés
des schistes friables
en français
amélanchier

Le provençal dit
amelanco
le catalan
guillomo
on sait
qu’il est du Sud
de part et d’autre
de la Méditerrannée

Amelanchier ovalis
l’a baptisé l’Allemand
Medikus en mil sept cent
quatre vingt treize
peu avant que les canons
français ne détruisent
son jardin botanique

Et l’amélanchier
sème sur les pentes
accroche aux falaises
ses fins bouquets
d’étoiles blanches
suspendues à de grêles
tiges grises

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Peuplier blanc

Je n’y croyais pas vraiment
au peuplier blanc
mais à Limoux
périple de vacances
dans un méandre de l’Aude
zone inondable également guettée
par la sécheresse et le déluge
ni chair ni poisson
mi-figue mi-raisin
près du club de canoë-kayak
en contrebas du Super U
il a surgi, inattendu
populus alba
évident, lumineux et nu
dans le soleil décembriste

Et comme Claudel
à Notre-Dame de Paris pour Noël
près du second pilier
à l’entrée du chœur
« En un instant, mon cœur
fut touché, et je crus. »

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Grimper aux arbres

Vieux singe
malgré mon âge avancé
je grimpe encore aux arbres
des quatre saisons
je rêve encore aux arbres
de nos enfances

J’ai au cœur
l’un des romans les plus poétiques
du siècle précédent
Le Baron perché
d’Italo Calvino
dans son cycle
« Nos ancêtres »
et pour ami
son héros
excentrique
Côme, baron du Rondeau

J’en ai parfois lu des extraits
à mes enfants
alors que nous étions tous
juchés dans un vieux charme

Il nous met en garde contre le figuier
Pour moi, charme, chêne, tilleul, cerisier
tout est bon
et j’y récolte résine de pin sur les mains
ou gomme de merisier
ou cerises
ou dattes
ou traces vertes
sur mes vêtements
du dimanche

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Le temps des lilas

Maintenant que nous entrons
dans les frimas
et qu’un vampire médiocre
m’a privé de l’odorat
est-ce le bon moment
pour parler du lilas ?

Voisin plutôt calme
vêtu d’un imper
vert sombre
on tend à ne remarquer
cet arbuste discret
qu’au printemps
quand il se pare de thyrses
embaumés et fleuris

« Ses belles et grandes fleurs
de couleur grix violent,
sentans bon,
parent longuement le jardin »
écrit l’ami Olivier de Serres
en son Théâtre d’agriculture

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Ceci n’est pas une glycine

La glycine de ma voisine
irai-je à la gendarmerie ?
tente de s’introduire chez moi
par la fenêtre du premier
et par la porte de la cuisine

Au secours
la glycine darde ses vrilles
Ses ramées sinistrogyres
s’aggripent partout
se tortillent, s’insinuent
Le sud des États-Unis
la classe parmi les exotiques
invasives

Même si elle dispense un ombrage
d’un vert délicat
et fleurit deux fois l’an
ses graines et son feuillage
sont toxiques, mais oui
et elle m’espionne

J’avoue, le Belge Alfred de Neuville
rime plus joliment
dans ses Épigrammes
à la japonaise

« La grappe de glycine où s’amuse le vent,
Frôlant la vitre et s’esquivant,
Tous les matins, dans mon alcôve
Me lance un bonjour mauve »

La glycine a la douceur
de la banalité
Rue des Glycines ?
Parfum de banlieue
pavillonnaire
venu de Chine ?

Du moins, ai-je le plaisir
d’écrire que la glycine
est une papilionacée
un arbuste lianescent
et volubile

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Épitaphe pour cent mille pins des Landes

Photo archives Philippe Salvat

Normalement, avec les arbres
les événements sont rares
Avec eux, peu d’actualité
on peut prendre son temps
mais la normalité n’est plus
ce qu’elle était

Normalement, ce n’était pas mon préféré
surtout quand la pinède
était plantée en rangées
prêtes à moissonner
à l’abatteuse mécanique
Sous-bois sombre et silencieux
sec, déjà endeuillé
ombrage qui manquait de fraîcheur
mais la normalité n’est plus
ce qu’elle était

pinus pinaster
répertorié dans le catalogue
du merveilleux jardin de Kew
par l’Écossais sourcilleux
William Aiton en mil sept cent quatre-vingt-neuf
alors qu’il est plutôt méditerranéen
Cortège funéraire :
pin pinastre
pin des Landes
pin maritime
pin de Corte, aussi
en Corse

Hélas, les héros de l’Iliade, morts
étaient couchés et réduits en cendre
sur un brasier de pin maritime
Cortège cinéraire !
Les larmes de résine
sont hautement inflammables

Écorce écailleuse
profondément sillonnée
et rugueuse
brun rouge
Pollen jaune
Parfum qui libère les poumons
humains
Aiguilles vives pour trois ans
Tempérament de feu

Dans la Rome antique
les flambeaux de pin
éclairaient la jeune mariée
Rameaux et pommes de pin
évoquaient le culte de Cybèle
mystérieuse et souterraine
déesse mère
de sang de taureau abreuvée

Mais par milliers, par dizaines de milliers
par centaines de milliers, par millions
les pins pinastres
désormais désastre
ont été incinérés par l’été deux mille vingt-deux
autour de la Teste-de-Buch et de Landiras
écorce, rameaux, bourgeons et pigne, tout entier
Mille à mille cinq cents plans par hectare
c’est vous dire
sangliers en feu qui courent
chevreuils ébouillantés
La même année
les monts d’Arée
aussi ont brûlé

Avec eux est partie en fumée
toute une histoire
qui commence, paradoxe
avec des Landes de Gascogne
trop humides
pour être cultivées
les dunes empêchant
l’eau de se déverser dans la mer

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Tremble

Grand, mince
mais pas autant
que le peuplier d’Italie
Plus discret
que le peuplier noir

Écorce gris clair
mouchetée
de lenticelles
qui respirent

Bourgeons gluants
au printemps

Et par-dessus tout
ces feuilles
petits cerfs-volants
marquées d’un dessin arborescent
reliées aux rameaux
par de longs pétioles
profilés pour danser
palpiter translucides
murmurer leur musique
aquatique
qui lui ont
valu son nom
et ses trémulations

Pourquoi le peuplier tremble
populus tremula ?
Hypothèses et légendes
ne manquent pas

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