Érable à feuilles d’obier

Saisi d’une mélancolie
bien ordinaire à mon âge
compulsant l’encyclopédie
des feuilles d’automne
une à une, il faut bien le dire
j’ai été consolé
par l’érable à feuilles d’obier
dans un lambeau de prairie
désert et ensauvagé
sous la butte de l’Aigle

Il faut dire qu’en bas
on n’entend parler
que de guerre
alors autant monter
par le raidillon
entre les pins

Aussi rouge, cuivré et doré
que le sumac fustet
comme lui prenant l’automne
visiblement très au sérieux
le petit érable dansait seul
dans le vent d’avant
l’orage

Acer opalus
grandi à la va-comme
-je-te-pousse

Son bois me dit-on
blanc, jaune ou rosé
agréablement veiné
solide, d’où son autre nom
d’érable duret
servait à la charronnerie
la tabletterie
aux crosses de fusil

Il est écrit ici et là
que dans le Dauphiné
on appelait « ayard »
l’érable à feuilles d’obier
d’où je pense qu’il était familier
aux montagnards

Avec une logique implacable
un botaniste sévère prétend
plaisante absurdité
que la dénomination
« à feuilles d’obier »
est incorrecte
car ce n’est pas l’érable
qui ressemble à la viorne obier
mais l’inverse

Qu’importe d’ailleurs
on a besoin de la modeste viorne
pour reconnaître l’érable

L’un des premiers à l’étudier
après une enfance de berger
passionné de fleurs
devenu médecin à Grenoble
Dominique Villars
explore les monts du Dauphiné
en mil sept cent soixante quinze
c’est toute une expédition naturaliste
Il réalise une flore, un herbier
plus tard un jardin botanique

On a retrouvé
dans un puits romain de Nîmes
une boîte en érable
à feuilles d’obier
ou de Montpellier
(ils sont indistinguables
au microscope)
qui contenait un miroir
de cuivre poli

En observant un arbre
est-ce qu’on se voit mieux
soi-même ?

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