Érable matamore

Avec de l’élan et de l’allant
pour me hisser à la hauteur
j’ai tourné sur moi-même
bras étendus
choisi des mots longilignes

Mais pardon
cher Carl von Linné
Acer pseudoplatanus
érable ou sycomore ?
À ne pas confondre
avec acer platanoides
ni avec l’érable
à feuilles d’obier ?
Je crois qu’un tel fouillis
nuit à la compréhension

Franchement, est-ce
un figuier vénérable ?
un platane d’Orient
même si l’écorce s’écaille ?
Non, c’est un érable élancé
dont les feuilles opposées
ont cinq lobes dentés
et de longs pétioles
souvent rouges
Pourquoi ces hésitations ?

Lequel est faux, lequel vrai ?
Lequel ressemble à l’autre ?
Pourquoi pas érable altier
ou érable à violons ?
D’autres disent plus simplement
grand érable, érable blanc
ou érable des montagnes

Dévalée des sommets
forêt d’érables en marche
attirés par la lyre d’Orphée ?
Érable sycomore planté
par le propriétaire d’un pavillon
ou d’une fermette
à côté de l’épicéa du Colorado
pour transformer son jardinet
en parc arboré ?

Plus encore, plus souvent
que des géants, j’ai remarqué
en bas des haies, dans le sous-bois
des nichées d’enfants d’érables
qui attendent le jour favorable
pour lancer vers le haut
leurs feuilles plus larges
et plus arrondies
que celle de l’érable champêtre
familier des haies du Perche

Faute de savoir le nommer
on ne sait trop quand il est arrivé
dans nos contrées
Il faut dire qu’il sème
sa progéniture à tout vent
par poignées
graines poussées en ailes
samares doubles ou disamares
à angle droit l’une de l’autre

Mystère, je ne les vois
que dans l’arbre ou au sol
Attendent-elles une brise
nocturne pour prendre leur essor ?

Il aurait tardé à traverser
la Manche sur les ailes du vent
ou dans la poche d’un navigateur
mais le gaélique d’Écosse
avait un nom pour le désigner
fior chrann et aujourd’hui il campe
dans une brèche du mur d’Hadrien

En Seine-et-Marne
empreintes de feuilles fossilisées
vieilles de quatre cents mille ans

Dans les Alpes, une momie
baptisée Ötzi
par les savants qui l’ont étudiée
conservée depuis cinq mille ans
dans un glacier portait
un étui de bouleau
contenant des feuilles d’érables
Réceptacle à braises ?

Pline, dans l’Histoire naturelle
le classe parmi les meilleurs bois
à couper en feuilles et à plaquer
Il appelle « érable gaulois » le plus blanc
car il pousse dans le nord celtique de son Italie

La marqueterie et surtout la lutherie
fascinées par ses veines l’ont exploité
Il atteindrait trente ou quarante mètres
si on ne le coupait prématurément

Certains érables rares
ondés, transmettent
au fond des violons
une vibration volante
comme les samares
comme son vieux nom
occitan ou gascon
azerau proche de celui
de l’oiseau

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