Phobographie

Réveillé un matin par une sorte de migraine, je suis resté persuadé qu’on avait inventé, à peu près à la même époque que la photographie, un autre procédé de reproduction du réel, et en particulier des êtres vivants, plus ressemblant et plus émouvant, mais moins célèbre et moins répandu, puisqu’il provoque des malaises, des névralgies, des accidents, voire dans les cas les plus graves des mutilations ou même des disparitions chez les sujets dédoublés par l’image, mais aussi chez l’opérateur. On peut même imaginer qu’il ait été interdit, et que ceux qui continuent à le pratiquer le font dans la clandestinité. Je me suis trouvé très préoccupé que certains continuent à créer de dangereux portraits d’enfant de cette manière. On murmure que l’écrivain cubain José Carlos Somoza l’aurait pratiqué.
Si ce procédé avait dû avoir un inventeur, ç’aurait assurément été Claude Niépce, frère aîné méconnu de Nicéphore Niépce. Installé à Londres, dans le quartier d’Hammersmith, il pensait avoir davantage de chance de faire financer ses inventions. La suite prouverait qu’il avait tort, et il sombra dans la folie.
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Miracles de l’églantier

C’est le jour où célébrer
la gloire d’une fleur
églantine
et du buisson épineux
qui la rehausse
d’obéir
à son invitation
d’ailleurs, elle attend à ma porte
rejetée d’un porte-greffe taillé
trop court

Car si l’arbuste est églantier
jadis aiglant, ou aiglantier
pour ses épines griffues
comme des serres
la fleur est églantine
d’où l’on baptisa beaucoup
de jeunes filles en fleur
des siècles précédents

Sa corolle, jupe de cancan
pour la troupe de Mademoiselle
Églantine, avec Jane Avril
ou plutôt mai ?

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Le pont traversé : Saint-Séverin

Une fois
le pont traversé
me hantent
un labyrinthe de vieilles rues
dans un rectangle
délimité par le quai
les boulevards
et la rue du Petit-Pont
qui devient rue Saint-Jacques

Depuis longtemps
je n’y suis pas retourné
Passé le pont
les fantômes vinrent
à sa rencontre

L’îlot Saint-Séverin
première expérience
de quartier
piétonnier à Paris
mil neuf cent soixante-douze
avec un succès mitigé

Une association de riverains
dénonçait la recrudescence
de malfaiteurs, de drogués
et d’oisifs dans Le Monde

Des touristes fatigués
déjà y consommaient
des succédanés
Ce mythe parisien
vanné, délavé, lessivé
regorge
de contes fabriqués
de fausses légendes
d’enseignes trompeuses

Pourtant au numéro seize
de la rue Saint-Séverin
Marcel Béalu, l’auteur
des Mémoires de l’ombre
dans sa librairie
« Le pont traversé »
animait la société
des amis de Max Jacob
avant de s’installer
rue de Vaugirard
dans une boutique
qui est devenue
un coffee-shop
sans gluten

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Au coing

Quel mystère
cache le coing
Cydonia oblonga ?

Au moins un « g » muet
comme à sang ou poing
ancêtre dur à cuire ?

Le nom de l’arbre
« cognassier »
évoque d’ailleurs une dureté
que ne dément pas
toujours la chair du fruit

Ses roses
délicatement roses
à cinq pétales
au bout de branches torses
égaient au printemps
les bords des rivières
et des fossés

Petit, râblé
souvent mal coiffé
dans la Drôme
j’en suis témoin
il repousse
naturellement
et résiste à la canicule

Né sur quelque rivage
de la mer Caspienne
Iran ? Azerbaïdjan ?
il aurait parfumé
les jardins suspendus
de Babylone

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Amélanchier

Amélanchier

Pas facile, direz-vous
de rimer
l’arbuste des pierriers
calcaires ensoleillés
des schistes friables
en français
amélanchier

Le provençal dit
amelanco
le catalan
guillomo
on sait
qu’il est du Sud
de part et d’autre
de la Méditerrannée

Amelanchier ovalis
l’a baptisé l’Allemand
Medikus en mil sept cent
quatre vingt treize
peu avant que les canons
français ne détruisent
son jardin botanique

Et l’amélanchier
sème sur les pentes
accroche aux falaises
ses fins bouquets
d’étoiles blanches
suspendues à de grêles
tiges grises

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Zigzags

Autre façon
de retrouver un Paris
disparu ?

De bar en bar, peut-être
Davantage de café
que d’alcools
quelques petits calvas
mais plus de tachycardie
que d’ivresse

Dénichera-t-on
une autre vérité
en zigzagant ?

Ni café de Flore ni Procope
mais d’obscurs estaminets
Plus ils étaient sombres
inconfortables
étroits et enfumés
mieux c’était

On était
encore au temps du tabac
et escales
et feuillets sentaient
la fumée et
le cendrier

Des errances, de l’écriture
surtout des notes
dans des carnets
Des rendez-vous

Place Sainte-Catherine
Madame Renée, je crois
prononcez « Mâme Renée »
accueillait de grand cœur
Canaques de Paris
et joueurs d’échecs
Christophe m’y emmenait
parfois quand je traversais
la Seine vers le Marais
pour le retrouver

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Tangente

Jusqu’ici, resté sagement
sur les rails des trajets quotidiens
obligatoires, or

visible depuis le quai
Saint-Bernard
le loup dans sa cage
de la ménagerie
du Jardin des plantes
véloce coureur
des bois et des plaines
tournait et tournait
tournait en rond
au point
de creuser un sillon
circulaire dans son enclos

Toutes les nuits
dans la lueur des phares
obsédé, maniaque
tournait le loup
insomniaque

Un jour, on sait que
l’on est enfermé
que l’on réitère
que l’on rabâche

Le désir de dévier
des circuits obligatoires
vient lentement

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Le Chevalier véridique à Paris

Couverture de livre

Le dimanche 23 avril, de 11h à 12h30, je dédicacerai Le Chevalier véridique au Festival du livre de Paris, au stand de l’Algérie.

Pour autant que je sache, ce sera la seule et unique occasion de se procurer le livre en France.

Malheureusement, l’entrée est payante. Grand Palais éphémère, 2 place Joffre, Paris 7e, Aile Eiffel, repère A32.

Tous les détails ci-dessus disent assez éloquemment quel malentendu il y a entre moi et la vente de littérature.

Perdu rue Saint-Louis-en-l’Île

Fantôme
comme trois pommes
rue Saint-Louis-en-l’Île
à l’âge où l’on
commence à aller
à l’école tout seul

Au départ
si petit
qu’on l’a remis
en cours préparatoire
par erreur
alors qu’il savait
déjà écrire

Nichée dans l’ombre
de l’église
mais publique
l’École de garçons
derrière un porche
comme un puits
tableau noir laïque
et coups de règle
sur les doigts
Édouard Bled
c’est tout dire
y a enseigné

L’instituteur raconte
la bataille d’Austerlitz
avec des trémolos dans la voix
Le roi Saint Louis
rend la justice sous le chêne
et meurt de la peste en Tunisie
Ah, ça ira avec le roman national

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Peuplier blanc

Je n’y croyais pas vraiment
au peuplier blanc
mais à Limoux
périple de vacances
dans un méandre de l’Aude
zone inondable également guettée
par la sécheresse et le déluge
ni chair ni poisson
mi-figue mi-raisin
près du club de canoë-kayak
en contrebas du Super U
il a surgi, inattendu
populus alba
évident, lumineux et nu
dans le soleil décembriste

Et comme Claudel
à Notre-Dame de Paris pour Noël
près du second pilier
à l’entrée du chœur
« En un instant, mon cœur
fut touché, et je crus. »

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