Miracles de l’églantier

C’est le jour où célébrer
la gloire d’une fleur
églantine
et du buisson épineux
qui la rehausse
d’obéir
à son invitation
d’ailleurs, elle attend à ma porte
rejetée d’un porte-greffe taillé
trop court

Car si l’arbuste est églantier
jadis aiglant, ou aiglantier
pour ses épines griffues
comme des serres
la fleur est églantine
d’où l’on baptisa beaucoup
de jeunes filles en fleur
des siècles précédents

Sa corolle, jupe de cancan
pour la troupe de Mademoiselle
Églantine, avec Jane Avril
ou plutôt mai ?

Fleurie entre le sureau et le tilleul
sur le calendrier à vue de nez
des abeilles
notre rose sauvage
rose des haies
s’érige pour le Floréal
d’un calendrier républicain
signé Fabre d’Églantine

René Char solennel
recommande
Aux lourdes roses assombries,
Désir de la main des aveugles
Préfère, passant, l’églantier

Et j’aurais tendance comme lui
à préférer sauvagerie
et simplicité
sans bien savoir pourquoi
l’églantier me parle

Rosa canina dit-on en latin
et pour le fruit rouge-orangé
cynorhodon
en grec rosier à chien
peut-être en lien
avec un songe raconté par Pline

Une mère rêve, c’est un oracle
qu’elle doit envoyer
une racine d’églantier à son fils
caserné en Espagne

La plante arrive à temps
pour le sauver de la rage
alors qu’il peinait déjà à boire
hydrophobie

Ou alors, imaginons
cynorhodon
aurait eu la préférence
des cyniques
qui préféraient le gratte-cul
à la confiture

Ses cinq pétales délicats
ses épines la lient à la
Vierge Marie
depuis mille ans dit-on
au mur de la cathédrale
d’Hildesheim

Domna vos etz l’aiglentina
Que trobet vert Moysens
Entre las flamas ardens
Dame, vous êtes l’églantine
que Moïse trouva verte
au milieu des flammes ardentes
écrivit Peire de Corbian
troubadour aquitain

Mais l’églantier, c’est avéré,
de la grotte de Massabielle
sur les bords du Gave
aux portes de Lourdes
refusa de fleurir
malgré les instances du curé

Mais quand
le comte de Bergue
jaloux, eut assassiné son épouse
et abandonné ses enfants
aux bêtes sauvages
un buisson dardant
d’églantine poussa
soudain, pour les protéger
bien pour eux, trop tard pour elle

Maison d’épines
frêle abri discontinu
d’arabesques
de feuilles, de pétales
d’air et d’aiguillons
où habiter la fragilité
d’un printemps fugace

Parfois parée d’une efflorescence
chevelue, du nom arabo-persan
bédégar ou « rose du vent »,
provoquée par la pondaison
de la guêpe cynips

Ascensionnelle
grimpant avec ses griffes
elle se hisse au soleil
et marie au noisetier ou à l’érable
son désir d’élévation
qui tend à couronner
la haie d’un bouquet
puis d’un collier de fruits

Ou églantier plus rouge
Rosa rubiginosa
à arborer à la boutonnière
ouvrière
pour manifester
un socialisme encore
ardent
vers mille neuf cent

L’églantier se bouture
se marcotte, se rejette
il est du bois dont on fait les fagots
et sur ce mot
je sais qu’on ne me
parera pas de l’églantine
décernée au meilleur poète
des Jeux floraux

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