Couronnant la colline
depuis des temps immémoriaux
la forêt règne sur l’horizon
On n’en voit que la lisière
bord plus ou moins effrangé
limite plus ou moins effilochée
Faut-il dire lisière ou orée ?
Qui est dedans, qui est dehors ?
Un œil observe-t-il depuis la sylve ?
La plupart des villages, des ermitages
ont choisi de lui tourner le dos
d’ouvrir des essarts, des défrichages
À son abord quelque chose nous interdit
outre les panneaux défense d’entrer
Chasse privée, voire Attention pièges
Est-elle encore hantée par les fantômes
des loups, des brigands, des partisans
du baron qui se réservait bois et gibier ?
Ses fruits sont petits et âpres
pommes et merises
ou hérissés de piquants
Un vague effroi nous prend
La forêt est peut-être un temple
où habitent des divinités farouches ?
Un esprit mi-homme mi-cerf
le cou ceint d’un torque
la tête puissamment ramurée ?
Dansent-elles dans les clairières
sous la lune, nues et blanches
les femmes devenues sorcières ?
La forêt sert-elle de refuge aux insensés ?
Un chevalier y erre nu, ensorcelé
Merlin lui-même s’y roule dans les feuilles
Son peuple taciturne, hirsute et moussu
cuirassé d’écorce, armé de sabres de bois
médite-t-il une guerre inattendue ?
Quoi qu’il en soit, un orage végétal
s’amasse là-haut ; une nuée verte
et pommelée danse dans le vent
Quoi qu’il en soit, un flot de verdure
gonfle là-haut, s’étage en vagues
mousse et écume jusqu’au bord du ciel