Devinez qui il est : créé avant le déluge, c’est un être puissant, sans chair ni os, sans veine ni sang, sans tête ni pieds. Il n’est ni plus jeune ni plus vieux qu’au premier jour et il est aussi large que la face du pays. Sa naissance n’a pas eu lieu et personne ne l’a vu. Il est muet pourtant sa voix est rauque. Il est violent. Son vaste étendard est déployé sur le monde entier. Il est à la fois bon et mauvais, ailleurs et ici, il sème la discorde et ne s’en va que s’il le veut.
Adapté du Livre de Taliesin, manuscrit gallois du XIIIe siècle
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« The revolution will not be televised » de Gill Scott Heron.
LA REVOLUTION NE SERA PAS TELEVISEE
Tu ne pourras pas rester chez toi.
Tu ne pourras pas brancher, allumer et t’esquiver.
Tu ne pourras ni te défoncer à la poudre,
Ni aller prendre une bière pendant la pub,
Parce que la révolution ne sera pas télévisée.
La révolution ne sera pas télévisée.
La révolution ne sera pas sponsorisée par Xerox
Ne passera pas en quatre parties sans coupure publicitaire.
La révolution ne montrera pas d’images de Nixon sonnant la charge suivi par
John Mitchell, le général Abrams et le vice président Agnew
mangeant une panse de porc farcie confisquée dans un sanctuaire de Harlem
La révolution ne sera pas télévisée.
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« America », d’Alan Ginsberg
Il s’agit d’un poème que j’admire parce qu’il est drôle, parce que sa forme est ouverte et ne s’adonne à aucune circularité musicale de rime ou de sonorité, parce que c’est un poème qui marche et qui danse, toujours avançant, riant et mordant. Il y a sur un site anglo-saxon un très bel enregistrement où Ginsberg le récite et où le public rit beaucoup. (www.poetryarchive.org)
AMÉRIQUE
Amérique, je t’ai tout donné et maintenant je ne suis plus rien.
Amérique, deux dollars et vingt-sept cents, le 17 janvier 1956.
Je ne supporte plus mes pensées.
Amérique, quand mettrons-nous fin à la guerre humaine ?
Ta bombe atomique, tu peux te la mettre dans le cul,
Je ne me sens pas bien, laisse-moi.
J’écrirai mon poème quand je serai dans l’état d’esprit qui convient.
Amérique, quand deviendras-tu angélique ?
Quand te mettras-tu à nu ?
Quand regarderas-tu ta mort en face ?
Quant te montreras-tu à la hauteur de ton million de trotskystes ?
Amérique, pourquoi tes bibliothèques sont-elles pleines de larmes ?
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Un caprice du Sieur de Saint-Amant pour fêter le printemps
LE MAUVAIS LOGEMENT
Gisté dans un chien de grabat,
Sur un infame lit de plume,
Entre deux draps ceins d’apostume,
Où la vermine me combat :
Je passe les plus terribles heures
Qui dans les mortelles demeures
Puissent affliger les esprits ;
Et la nuit si longue m’y semble,
Que je croy qu’elle ait entrepris
D’en joindre une douzaine ensemble.
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Rencontres, salons et fêtes du livre
Il paraît presque inévitable que je sois à Sablet, près d’Avignon, les 21 et 22 juillet 2007, pour la fête du livre et… du vin.
Un inconnu en mars
FIGMENTS
Un figment, en supposant que le mot puisse exister en français, ce serait, un bref récit poétique, ou un poème narratif de petite étendue. Tout en ressemblant au fragment, le figment serait plus nettement inventé et plus souvent complet. À la figue, bien sûr, il voudrait emprunter, la forme close et parfaite, le goût et la chaleur, la capacité à sécher et à se conserver. Cependant, il se garderait du sucre ; pour être concis, il vaut mieux être salé.
Père
Un jour, le père c’est une statue comme celle du commandeur, mais on le gifle à s’en meurtrir la main et il ne remue pas, il ne parle pas, il ne parle plus.
Un autre jour, le père, on mène une enquête et on s’aperçoit qu’il n’existe pas. Personne ne le connaît ; ses collègues ne se souviennent plus de lui. Ses traces se sont effacées, au point qu’on risque presque de disparaître soi-même.
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Il paraît que le n°2 de Kwak est sorti
Il a pour thème le jeu. J’y ai commis un entretien imaginaire avec Zévaco, une nouvelle dont vous n’êtes pas le héros, et deux petits éloges d’auteurs trop méconnus, Peter Bichsel et Tabourot des Accords.
En février, hommage à Michaux, encore
La chemise de l’apiculteur pique.
Taciturne en montagne, bavard en plaine.
La comédie des feuilles, n’allez pas la jouer aux arbres.
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Une page de carnet manuscrit, bribes en désorde, projets abandonnés puis repris (Une des premières notes sur À la poursuite de l’enfantôme)
La Lande des au-delà de Duprey me point
La lande des au-delà
J’habite l’intérieur de la maison des ombres, aux parois vertébrées comme la coquille du chien. Chaque nuit, je m’enfonce un peu plus profondément, selon le rythme de la grande pendule de légende dont les aiguilles n’avancent qu’à partir de vingt-cinq heures.
Les fenêtres sont laissées à l’extérieur, car la maison est réversible et des chemins s’enfoncent partout.
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