Le mort-bois

Ramasseur de mort-bois, je suis
marche, ramasse, cueille
et personne n’a le droit
de me molester pour ça
précise la Charte aux Normands
obtenue en mille trois cent quinze
du roi Louis dix le Hutin

Le mort-bois n’est pas du bois mort
expliquent les vieux traités de droit
mais du bois vert de peu de valeur
dont les fruits sont méprisés
dont on ne fera ni planche ni poutre

Et depuis la Charte
seigneurs et rois
ne peuvent nous faire payer
à nous autres gueux et vilains
de Normandie
l’impôt dit de « tiers et danger »
sur le mort-bois de leurs forêts
ni nous maltraiter pour l’avoir ramassé

Les essences que je fréquente
le plus volontiers
étaient considérées
comme du mort-bois
saule, marsault, prunellier
sureau, aulne, genêt
puine, c’est-à-dire cornouiller
ronce et genévrier
J’ignore pourquoi
l’ajonc ne figure pas
dans la liste

Pour s’aventurer
ma poésie se cuirasse
donquichottesque
alternativement
de leurs épines
de leurs rameaux
de leurs fagots
qui vont bien
à sa triste figure

Ma poésie s’arme
de leur tressages
de leurs baies
de leur endurance
de toutes leurs belles qualités
d’arbustes déconsidérés
et affronte les moulins

Laisser un commentaire