D’abord, il aurait voulu être épis de blé, puis faux, puis simplement fil de la faux, soigneusement affûté, et enfin, plus simplement encore, juste l’élan du faucheur, au moment précis où il va laisser la lame retomber : vrai, il ne cesse de changer d’avis.
Lui, toujours dans son dos, comme quelque chose qui le pousse, le bouscule, l’envoie de l’avant, avec malignité. S’il se retourne, rien, personne, tout est droit et plat. Il craint de finir bossu.
Là, l’espace est bizarrement neutre, efféminé mais sans charme : on y est vide, on y est en vacance. Des aspirations contradictoires nous emplissent la poitrine sans nous mener nulle part. On peut y rester longtemps, comme dans des sables mouvants, malgré l’absence des sirènes.
Quelqu’un pense au mot « ludion ». Il y a un instant, croit-il, il savait ce qu’il signifiait. Maintenant, plus du tout. Et le petit objet s’échappe, lui échappe et file au loin… — Petit ? Est-il vraiment petit ? Il n’a pas réussi à le retenir comme aux pages d’un dictionnaire.
Chaque fois qu’il pêche, il s’accroche douloureusement dans les hameçons. S’il scie, la lame saute et lui entame les doigts ; s’il mange, la fourchette dérape et se pique sur sa paume ; c’est tout juste s’il ne se mord pas, il finirait par se manger lui-même, toujours par mégarde.
Alors, elle se fait fumée pour se glisser sous la porte, pour passer par les interstices et elle frissonne et ondule dans le moindre courant d’air. Je l’aime. Hélas, une brise trop forte la disperserait !
Qui pense aux innocents ? À leur longue, à leur fastidieuse candeur… Qui poussera un cri bien strident pour qu’ils se troublent et qu’ils s’angoissent, pour qu’ils lâchent leur fardeau ?
Voici venu celui qui prête serment sur l’eau courante, qui construit les fondations de sa maison sur du sable et qui parle dans le vent. Révérence !
Nul besoin de lame de rasoir, ni même d’encre noire, ces lignes-là se dessinent, se creusent toutes seules.
Il ne fait pas partie de ceux qui hèlent la femme qu’ils aiment. Tout au contraire, il soupire, il chuchote, il marmonne, et elle part sans l’entendre. Pour se consoler, il se félicite de sa délicatesse.
Ils veulent tous être mon ami, même un roncier presque sec, accroché à un grillage rouillé, avec ses feuilles rares et jaunies, racrapotées autour d’une mûre unique dont un grain est resté rouge.
Et puis, il s’est trouvé des filles qui avaient les jambes si fuselées et surtout si longues qu’on avait du mal à les retrouver là-haut, au bout.
Pas du tout ! la lune au fond du puits, ne croyez pas qu’elle soit un œil qui vous regarde !
Dans l’incendie ont disparu toutes ses collections, les prestigieuses comme les infâmes, les camées antiques, les perles baroques et les rognures d’ongles.
Brisons-là, dit-il, à l’ancienne, tant il a envie, tant il a besoin de rupture. Il faut qu’il se montre cassant. Si on lui donne du bois, il le fend, si on lui donne du pain, il l’émiette.
À fréquenter les piquants, les dentelures, les barbelés, les échardes et les orties, il s’est pris d’un grand mépris pour la peau.
Tout de même, il a fallu boire le sirop, goûter le miel, accepter le sucre, fréquenter la douceur sans frissonner.
Textes inédits de Paul Lepic