Face au texte : Explosion dans le langage IV

L’entreprise de démolition d’Annibal Mousseron s’attaquerait d’abord au langage, lengatge a-t-on écrit au Moyen Âge. Lengatge, c’est bien. Déjà on ne reconnaît plus le mot, on est ralenti et perplexe.
Si, aspirant au Big Bang d’une création neuve, s’attaque au langage, dynamite le mot «langage», y aura-t-il une lente explosion, une explosion ralentie, des éclats qui se dispersent, qui divergent et s’inscrivent nouvellement sur la page ?
Le prisonnier passe la langue sur ses lèvres parcheminées. La langue ! Faut-il remettre la langue dans le langage, celle qui tète, lèche ; celle qui sort quand on tire la langue ; l’inconvenance salivaire et biologique de la langue, du crachat, du patin, du baiser florentin ou colombin, avec la langue ? Il a déjà donné des gages ; il a payé son engagement, son obsession, presque tous les ans, à presque tous les âges.
Averse de syllabes, envols de lettres ! Mais gare à la verbosité, au verbiage, à la traduction automatique, aux calembours aviaires.
Cherchera-t-il plutôt une langue sonore, aux accents de cuivre, au goût de cuivre, une langue sourde, aux tonalités de tambour ? Une langue linguale et labiale, ou une langue de pointe sèche, de gouge, de burin ?
– Là – hors des langes – aux confins des âges – gela la langue – sur la page – Lent message – langage tremblant – silence de l’ange – lengatge.
Mais, terroriste timide, en faisant exploser la charge, a toutes les chances de se faire sauter les mains, de se brûler le visage, de se défigurer, de s’aveugler.
La destruction fut ma Béatrice, encore.

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