Espèces d’espace, comme disait Perec

Tout de suite, très simplement, il y a tout d’abord le carrefour. Une fois qu’il est dépassé, on tend à regretter le chemin que l’on n’a pas suivi, mais en même temps, à la croisée des chemins, on ressent un inconfort qui nous pousse à emprunter ou l’un ou l’autre. Serait-il possible d’habiter cette incertitude, le lieu d’où les chemins divergent, d’y rester, d’y faire sa maison ?
Très simplement, il y a, ensuite, le paysage. Dès qu’on le voit, dès qu’on l’aime, on voudrait s’y trouver, le toucher de près, y être inclus, et lorsqu’on l’approche, il disparaît. On comprend alors qu’il n’existait que dans la distance qui nous séparait de lui. Sans doute, cela a-t-il un lien avec l’essence du désir.
Très simplement, il faut considérer encore le labyrinthe. Cet espace-là présente l’avantage d’être en général ombragé, mais quelque part, on ne sait pas où, dans ce « palais de la hache » erre un monstre que l’on devra affronter un jour. Si j’aime autant le labyrinthe, c’est qu’il déroule ses couloirs et ses tunnels à la fois hors de nous et en nous. Le labyrinthe est tout autant intérieur, mimant les complexités topographiques de la personnalité, qu’extérieur.
Très simplement, quatrièmement, ou alors est-ce premièrement? il y a le corps. Parfois, il s’affaiblit, s’endolorit, fatigue ; il devient fatigant, et on voudrait bien, sans s’éteindre, en être libéré, en sortir comme d’un lieu. Ça ne gênerait pas toujours d’être un pur esprit.
Très simplement, enfin, il y a un lieu dont on ne pourra me chasser, où je pourrais habiter quand on aura détruit ma maison, un pays qui m’abritera quand le mien aura brûlé. C’est un espace réduit mais dense, peuplé de voix, où poussent des forêts de signes. Un livre.

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