Un caprice du Sieur de Saint-Amant pour fêter le printemps

LE MAUVAIS LOGEMENT

Gisté dans un chien de grabat,
Sur un infame lit de plume,
Entre deux draps ceins d’apostume,
Où la vermine me combat :
Je passe les plus terribles heures
Qui dans les mortelles demeures
Puissent affliger les esprits ;
Et la nuit si longue m’y semble,
Que je croy qu’elle ait entrepris
D’en joindre une douzaine ensemble.
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Un inconnu en mars

FIGMENTS

Un figment, en supposant que le mot puisse exister en français, ce serait, un bref récit poétique, ou un poème narratif de petite étendue. Tout en ressemblant au fragment, le figment serait plus nettement inventé et plus souvent complet. À la figue, bien sûr, il voudrait emprunter, la forme close et parfaite, le goût et la chaleur, la capacité à sécher et à se conserver. Cependant, il se garderait du sucre ; pour être concis, il vaut mieux être salé.

Père
Un jour, le père c’est une statue comme celle du commandeur, mais on le gifle à s’en meurtrir la main et il ne remue pas, il ne parle pas, il ne parle plus.
Un autre jour, le père, on mène une enquête et on s’aperçoit qu’il n’existe pas. Personne ne le connaît ; ses collègues ne se souviennent plus de lui. Ses traces se sont effacées, au point qu’on risque presque de disparaître soi-même.
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La Lande des au-delà de Duprey me point

La lande des au-delà
J’habite l’intérieur de la maison des ombres, aux parois vertébrées comme la coquille du chien. Chaque nuit, je m’enfonce un peu plus profondément, selon le rythme de la grande pendule de légende dont les aiguilles n’avancent qu’à partir de vingt-cinq heures.
Les fenêtres sont laissées à l’extérieur, car la maison est réversible et des chemins s’enfoncent partout.
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Jusqu’à mon dernier souffle : poème de Jean-Pierre Rosnay

INTIMITÉ DU CHRIST
Jésus se fait deux œufs sur le plat. Il n’est pas coiffé, pas rasé, pieds nus, il a laissé sa croix dans un coin. Aussitôt qu’il a un moment, il dessine des enfants, des enfants, des enfants. Parfois, il lit les journaux et hausse les épaules. Ce que l’on colporte sur son compte l’irrite, accentue sa fièvre.
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J’aimerais bien m’appeler Tomas Tranströmer

Ils jouent au football
soudaine confusion – la balle
a fait le mur

Ils font souvent du bruit
pour effrayer le temps jusqu’à
ce qu’il trotte plus vite.

Des vies mal épelées –
la beauté subsiste sous forme
de tatouages.

Quand on reprit le fugitif
il avait les poches pleines de chanterelles.

Le portail s’ouvre en glissant
nous voici dans la cour du pénitencier
dans une nouvelle saison.

Le garçon boit du lait
et s’endort tranquille dans sa cellule
une mère de pierre.

Fragments volés à Prison, dans BALTIQUES, de Tomas Tranströmer

Tous les goûts… Dans La Vie unanime de Jules Romains

Je ne vis plus ou presque plus;
Si je vis, je ne le sens plus,
Et j’en suis joyeux tout de même.
Car entre ses doigts innombrables
La ville a déchiré mon âme
Comme une feuille de papier.
Pris par le vent des carrefours,
Les morceaux s’envolent et tombent
Sur le trottoir, parmi les hommes
Qui les emportent sous leurs pieds.