André Hardellet, en des lieux qui me sont chers

Trois pénitents qui longeaient le charnier des Innocents viennent de fondre tels des cônes de suif. Le dernier rat regagne son trou. C’en est fait : toute trace d’existence a été escamotée de la ville. Non, pourtant : sur une place un charlatan coiffé d’un chapeau pointu exécute ses tours sans prêter d’importance à l’absence du public. Sa figure reflète une extrême duplicité. Tandis qu’il fait éclore des roses subites entre ses mains une musique fluette s’égrène.
Je l’accompagne dans la demeure où il pénètre bientôt. Ici tout baigne dans une clarté lunaire. Des voûtes de feuillage constellé remplacent les plafonds, des arbres figurent les piliers d’un cloître. Le magicien s’esquive mais, à sa place, apparaît une nonne splendide, qui se dévêt sous mes yeux. Lorsque, presque nue, je veux la rejoindre, elle s’enfuit. Et le couloir qu’elle emprunte pour m’échapper débouche subitement en plein soleil, sur ce jour de 1951 où j’écris — rue Nicolas Flamel.
André Hardellet, « Film en partie censuré », La Cité montgol, Poésie Gallimard.

Laisser un commentaire