Dizains de Lyon

J’ai vécu seul à Lyon, Robinson
donc en mauvaise compagnie
parfaitement étranger à la ville
ne connaissant rien
au-delà de la gare de Perrache
J’étais amoureux, et ma belle, ma moitié
était partie en Irlande du Nord
ce qui nourrissait mon obsession pour les Celtes
à Lugdunum, capitale des Gaules
dotée d’un double, Lugdunum Batavorum

C’était pour le service civil
des objecteurs de conscience
deux ans plutôt qu’un
Informé par un fascicule anarchiste
j’objectais ! je disais non, je niais, c’est un trait
d’union entre ce moi
de jadis et ce moi d’aujourd’hui
J’objectais à la perspective d’obéir
et de partager un dortoir
Solde de troufion, dans la ville

Il fallait quitter le domicile familial
Et si Paris n’allait plus offrir
que la répétition des mêmes épisodes
avec les mêmes personnages ?
J’ai habité la Croix-Rousse
sombre comme un héros
de Pouchkine ou de Dostoïevski
adepte d’ascèses compliquées
prêt à tout risquer, départ gare Saint-Paul
au casino de Charbonnières

Je crois que c’était rue Janin, pas Jules
mais je ne retrouve pas le vieil immeuble
juché au bord du gouffre, son escalier branlant
J’habitais au dernier étage
une tente de Bédouin pour me protéger
des plâtras qui tombaient du plafond
un évier en pierre avec de l’eau froide
En ce temps-là, j’imaginais des villes fantômes
sans me rendre compte que le fantôme
ce devait être moi, creux, vide

Un autre Janin de Lyon, Guillaume
accusé d’avoir cherché des trésors anciens
à l’aide d’esprits aériens
est pendu et brûlé pour sorcellerie
à Dijon vers mil sept cent quarante-cinq
Et François de Rosset a raconté d’Un démon
qui apparaissait en forme de damoiselle
au chevalier du guet de la ville de Lyon
De leur accointance charnelle,
et de la fin malheureuse qui en succéda

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La légende des saules du bord de Saône

Maurice Scève poète lyonnais raconte dans Saulsaye, Églogue de la vie solitaire (Lyon, 1547), la légende des saules du bord de Saône, manifestement inspirée par la métamorphose de Daphné dans Ovide, par l’intermédiaire de Jacopo Sannazar. Pourchassées par des satyres, faunes, sylvains et autres chèvre-pieds, les nymphes vont se jeter à l’eau. Pour les sauver, le fleuve, auquel elles donnent le nom antique d’Arar, « avec la barbe, et les cheveux mouillés,/ d’herbe, et de joncs sans ordre entortillés » gonfle et les transforme en bosquet de saules, la Saulsaye ou saussaie du titre. Cela donne l’occasion d’une belle poésie de la métamorphose. En voici le texte quelque peu modernisé pour faciliter la lecture.

Un jour parmi les genêts verts fleuris,
Maints Dieux ensemble, et en ce lieu nourris,
Joints avec eux Satyres demi-chèvres,
Faunes aussi trop plus légers, que lièvres,
Et les Sylvains hideusement cornus,
Et la plupart pour le chaud demi-nus,
Hors de tout hâle étaient tous à l’ombrage
Là, où la Saône engraisse son rivage, 
Plaisant repos des prochaines forêts 
En maint endroit côtoyant ces marais.

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