
Photographie de Marijo Flahaut
Quand on lui offre un livre, l’imbécile ne sait pas quoi en faire.

Photographie de Marijo Flahaut

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Photographie de Marijo Flahaut
Quand Sénèque était en exil en Corse et qu’il se languissait dans la tour qui domine la vallée de Luri, il descendait parfois au hameau de Sorbu pour courtiser une jeune fille qu’il avait repérée alors qu’elle lavait du linge dans le torrent. Hélas, on a beau être un stoïcien rassis, on n’en est pas moins homme. Les yeux noirs de la belle l’avait ensorcelé. Mais un beau jour, le père de la demoiselle l’a surpris, l’a saisi de son bras noueux et l’a fouetté d’importance avec une poignée d’orties qui poussaient là. Depuis, dans la vallée, on les appelle « herbes à Sénèque ». Il paraît que le philosophe n’est plus redescendu de la tour jusqu’au jour où on l’a rappelé à Rome…
Le n° 36 de la belle revue Décapage (qui contient plus de dix pages) accueille une fiction uchronique meurtrière et acide, signée Jean-Baptiste Evette. Intitulée « Mes machines à temps », elle n’hésite pas à convoquer les frère Goncourt, H. G. Wells, Pierre de la Ramée, Max Gallo, Philippe Sollers… et à tuer la plupart d’entre eux. En librairie à partir du 25 septembre.
Pascale Dondey qui dirige les éditions de la Mirandole, installées à Pont-Saint-Esprit, ressort une version nouvelle de La Fureur d’andarta, conte noir pour enfants sombres, j’y ai apporté de multiples corrections et ajouté un nouveau chapitre.
Sur la couverture, une belle illustration de Jean-Yves Daniel.
Ogrillon de Corse, croisé de prince, de prêtre et de Grec, d’histrion, de ribaud et de bourreau, sorte de métis de Bonaparte et de Macaire, de Machiavel et de Mandrin, de marquis de Sade et de Torquemada, Napoléon de nuit, Napoléon coupe-bourse ! Ni paix ni trêve avec cet homme… Il est honteux de vieillir sous lui. Esclave qui le laisse régner.
La Commune révolutionnaire de Londres (Pyat, Boichot et Caussidière)
P.-S. Il me semble que le Grec, dans l’argot du temps, est un tricheur.
L’espace sépare. L’espace sépare, n’est-ce pas. Mais sans espace, n’est-ce pas, nous ne nous rencontrerions pas… Nous serions les mêmes ou pas ? Ou alors pour toujours hors d’atteinte l’un de l’autre ?
(L’espace, le vrai, le vaste, est au singulier ; au pluriel, il rétrécit. De même, la prairie. Dans la prairie on galope, on se fait adopter par des Pawnees ou par des Crees. Tornades et incendies nettoient régulièrement l’étendue. Mais dans les prairies, on broute de l’herbe.) Papa, l’espace sépare ou pas ? Papa, à l’aide ! L’espace, je m’éparpille dans l’espace. Je m’éparpille, je me sépare de moi-même dans l’espace, ou pas ? C’est le diable qui sépare n’est-ce pas ?
Paul Lepic, « apologues au galop » dans Œuvres inconnues et inédites.
Froment [Format ?] enfermé en 1851 dans cette tour rappelle au génération [sic] à venir toute [sic] les souffrances qu’il a endurer [sic].
La date, 1851, correspond à l’insurrection contre le coup d’état de Louis-Napoléon Bonaparte, à laquelle Froment a dû participer, comme beaucoup d’autres républicains de la Drôme. Voir https://1851.fr/lieux/drome/
J’ai le visage rond et inexpressif, de petites lunettes, des cuisses fermes et des seins folâtres. Je suis agile, je sais manier à peu près toutes les armes. Pourtant, mon existence n’est pas sans mélancolie. Parfois, je ne réussis plus à commander mes gestes. Parfois je meurs, parfois des situations se reproduisent presque à l’identique. Des paysages reviennent, alors que je crois les avoir traversés et quittés. Le labyrinthe souterrain succède au labyrinthe souterrain, le temple en ruine au temple en ruine… Je cours, je saute, je me dissimule. Je tire sur mes ennemis, qui tombent, morts. Quand je n’ai plus de munitions, j’en trouve dans un coin, abandonnées par je ne sais qui. Je sens une volonté occulte et puissante derrière tout cela. Ce doit être celle de mon ennemi. L’espace est bizarre, répétitif, replié sur lui-même.
Parfois, j’ai un allié qui combat à mes côtés. Je sais qu’il doit me trahir un jour. Trop souvent, je suis seule. Quelquefois, il meurt.
Je fais face à des ennemis tous identiques, comme s’ils avaient été engendrés par une machine.
J’ai de plus en plus de mal à leur échapper. Ils sont de plus en plus difficiles à abattre. Leur maître est dissimulé quelque part dans les ténèbres. Il ne cesse d’accumuler des embûches sur mon chemin. Il agit partout sans jamais se dévoiler. Un jour, je serai en face de lui. Mais je suis seule. Pourquoi ces combats, sans cesse recommencés ?
Indicible mélancolie des créatures numériques !

Inverse de celle qui, dans le conte du vieil Ovide, sauva Daphné de l’étreinte d’un dieu lubrique, cette métamorphose-ci fut suggérée à un arbre par Merlin l’enchanteur :
— Si tu veux, tes ramilles deviendront doigts ; ta rude écorce, peau douce et vivante ; ton fût, buste ; tes branches, bras et jambes ; ton faîte, tête chevelue ; le lierre et la mousse qui t’enveloppent, vêture. Tu te transformeras en homme mobile et nomade… La sève deviendra sang et coulera plus vite en toi. Le bruissement de tes feuillages se fera parole d’homme.
— Et mes racines ? demanda l’arbre.
— Ah non, pas de racines, tu erreras à la surface de la terre.
— Alors tant pis, je ne peux pas sacrifier mes racines, répondit l’arbre.
Et il demeura arbre, planté sur sa colline, sous les cieux changeants du monde.
Photographie de Pierre-Alain Touge