Au théâtre, Glorieux, Glorieuses

Ce spectacle de la compagnie des Anges Mi-Chus, mis en scène et conçu par Anne Carrard, est divisé en deux tableaux ou plutôt deux actes. Le premier est joué par Benoît Hamelin et Maximilien Neujahr, le second par Pauline de Coulhac et Raphaële Trugnan, en compagnie d’une sorte d’échafaud, ou d’échafaudage de métal qui constitue l’unique décor, et qui se fait tour de guet, autel pour sacrifice, bureau ou pont de navire, à moins que ce ne soit une jetée ou un poteau téléphonique. Les protagonistes du couple féminin et du couple masculin sont parfaitement complémentaires, avec des présences physiques, des attitudes qui leur permettent d’incarner des personnages merveilleusement présents et distinctifs.

Si les activités répétitives des deux duos apparaissent d’abord comme une de ces tâches absurdes et comiques que nous impose le quotidien, auxquelles nous feignons d’attacher de l’importance, en quoi la vie paraît s’inspirer d’une pièce de Beckett, détail par détail, touche par touche une tragédie se dessine.
Les hommes jouent à échanger des messages secrets au téléphone, puis s’amusent à la guerre, tandis que les femmes jouent à attendre un retour, s’efforçant de vivre entre temps, rêvant autour de livres, dont l’un raconterait une vie alternative du bouillant d’Achille en danseur de tchatchatcha.

Cela paraît léger, absurde, mais ce petit monde obsédé par des rituels baroques, drôles et émouvants, qui danse, qui chante, qui mime, qui se querelle comme un Lucky et un Pozzo dans les bureaux d’une DGSE fantaisiste et dérisoire, est guetté par la tragédie. L’ennemi viendra, il y aura des morts, la menace pèse comme une certitude. On sacrifiera forcément une femme sur l’autel de la guerre. Le catalogue des vaisseaux de l’Iliade, le fragment de l’Hécube de Sophocle viennent confirmer ce dont le spectateur commençait à se douter : il s’agit finalement d’une tragédie.

Cependant, aucun mode d’emploi ne vous est livré, le spectacle prend le risque de faire confiance à l’intelligence et à la culture d’un spectateur, emporté dans un succession de fragments délicieux et comiques, entre des tourbillons de fumée ou de poussière : les énigmatiques appels téléphoniques, la liste des différentes sortes de morts rangées par thème (les morts « liquides », les morts « piquantes » etc.). Et l’emploi de la chanson « Stagger Lee » de Nick Cave, je ne vous dis que ça !

Glorieuses – le clip from Jul on Vimeo.

Face au texte : cuisiner sa propre langue

Cuisinez votre propre langue :dans la chair des voyelles, entre les os des consonnes, levez de beaux filets de langue, dégraissez-les, séchez-les, frottez-les de sel. Puis mangez votre propre langue toute crue, pour qu’elle vous devienne consubstantielle.

Résidence à la Villa Mais d’Ici d’Aubervilliers

Faut-il le dire, de janvier à octobre 2013, je suis accueilli en résidence à Aubervilliers, dans la Villa Mais d’Ici, rue des Cités, sur un financement de la région Ile-de-France.
On m’y trouvera plus facilement le mardi et le mercredi. Au programme, mémoire et transformation de la ville, ateliers d’écriture, réalisation d’un livre sur la Villa et son quartier. Et puis un projet de roman intitulé pour l’instant Leila disparue.

Mon arrivée à Aubervilliers

Carte postale issue de la collection des archives municipales d’Aubervilliers.

La résidence sur le site remue.net

La résidence sur le site de la Villa Mais d’Ici

 

Roman II, Jacques Roubaud

C’est un autre roman encore, peut-être le même.
Un homme abandonné, à cause d’une mort, reçoit un coup de téléphone. Ce coup de téléphone est un appel d’une femme aimée, et morte.
Il reconnaît sa voix. Elle appelle d’un monde possible, autre, en tout point semblable à celui auquel il est habitué, avec cette seule différence que, dans ce monde, elle n’est pas morte.
Mais que dira-t-il ? Que s’est-il passé dans ce monde-là en trente mois ? Que lui dira-t-elle ? Comment entrerait-il dans ce monde où l’horreur n’a pas eu lieu, ce monde à la mort abolie, où la lutte continue contre la mort, où ils s’obstinent à ce combat qui, ici, dans le monde où il est encore au moment où il décroche l’appareil, a été perdu ?
Il décrochera, et il entendra sa voix. Le monde où il est encore (le téléphone vient de sonner mais il n’a pas encore bougé la main pour répondre) sera oublié.

Jacques Roubaud, Quelque chose noir, Poésies Gallimard.

Avec toute la révérence d’un voleur de trésors.

Je me souviens que je fus invité à La Rochelle

C’était en avril 2012 par l’association larochellivre, et jamais on ne m’avait posé questions si fines et si pertinentes, je m’en souviens aujourd’hui. Il était temps. Et merci encore à Éric et à sa famille.

http://www.larochellivre.org/.

Pulp français

Empruntée au blog des amateurs du merveilleux scientifique, l'image porte un titre et une adresse qui me parlent.

Je n’ai jamais lu d’aventures du « nyctalope  » le héros récurrent de Jean de La Hire, mais mon premier essai de roman s’appelait Le Démon nyctalope.

Douve parle

Quelle parole a surgi près de moi,
Quel cri se fait sur une bouche absente ?
À peine si j’entends crier contre moi,
À peine si je sens ce souffle qui me nomme.

Pourtant ce cri sur moi vient de moi,
Je suis muré dans mon extravagance.
Quelle divine ou quelle étrange voix
Eût consenti d’habiter mon silence ?

Du Mouvement et de l’Immobilité de Douve, Yves Bonnefoy, Poésie/Gallimard.

Le spectacle La Ligne jaune à Paris

Nouvelles représentations de La Ligne jaune les dimanches 11, 18 et 25 novembre à 19 h au Grand Parquet, le jardin d’Éole, 35 rue d’Aubervilliers, 75018 Paris.

Entrée libre, réserver au 01 43 52 19 84.

Chaque fois que les CRS ont tenté d’entrer de force dans une usine, ça s’est mal passé . Photographie Achromatik.

Le défi farouche d’Armand Robin

LE CHOIX
Dans l’ère de haine et de propagande
Je veux une surface aussi grande.

Je n’ai pas besoin de vent pour élargir mes gestes,
Je n’ai pas besoin d’écho pour ébruiter mes cris.

C’est par leur vérité que mes mots seront énergie.

Je veux qu’on me soupçonne, qu’on me calomnie ;
Je veux sur moi le poids de toute tyrannie.

… …
J’ai choisi, pour me bâtir, d’être partout détruit.

J’ai choisi de n’avoir pas de lit,
De n’avoir aucun sommeil dans aucune nuit…

Armand Robin, Ma vie sans moi, Poésie/Gallimard