Tout le monde vous connaît
Prunus laurocerasus
sans toujours savoir votre nom
Sempervirents aux feuilles cirées
arbres uniformes
rangés au garde-à-vous
j’ai du mal à vous aimer
ou à comprendre
l’affection que d’autres vous portent
comme à Stan Laurel
Il faut dire, je me suis inquiété
quand ma cadette s’est barbouillée
avec une amie de son âge
de vos fausses cerises
noyaux riches en cyanure
feuilles et racines aussi
et je suis rancunier
En somme laurelles
tellement habituelles
qu’on ne les voit plus
quand elles nous envahissent
subrepticement
Arbres in partibus
cerisiers de Trébizonde
selon Pierre Belon du Mans
acclimatés en Europe
au seizième siècle
vous apportez votre monotonie
jusqu’au fond des campagnes
et assez de poison
pour assassiner un cheval
Et pourtant lauriers-palmes
on vous appelle aussi
laurettes à crème, lauriers à lait
puisque vos feuilles ont servi
à donner aux desserts
ou aux produits de beauté
un subtil parfum d’amande
Dangereuse cuisine, tu m’étonnes
Reconnaissons que les oiseaux
en particulier les moineaux
ne sont pas du même avis que moi
Le soir, ils s’y aménagent un dortoir
et si ces laurelles n’ont pas été
au printemps rigoureusement taillées
elles fleurissent puis fructifient
Alors ils se gavent et ressèment
d’autres lauriers-cerises
qui étouffent sous leurs feuilles
toujours vertes et
incompostables les sous-bois
Adieu muguets, anémones
jacinthes des bois, ail des ours
Je rêve vaguement
aux immenses plateaux
d’Arménie où vous croissiez
harmonieusement
à l’ombre du mont Ararat
avant de passer le Bosphore
Photographie : la prolifération du laurier du Caucase (ONF)