Au pied du palmier

À n’avoir vu que des palmiers en pot
déracinés, comme au zoo
enfermés sous le verre
au jardin des Plantes
dans la grande serre
ou décorant de grands édifices
dispersés en Bretagne ou à Nice
je n’avais rien vu du tout
jusqu’à, la cinquantaine passée,
aux oasis ayant zigzagué
de Biskra à Tolga
de M’chounech à Sidi Okba
de Sidi Masmoudi à Gartah
le long des séguias d’eau vive
Car le palmier est un monde
et une civilisation

S’il pousse ses palmes jusqu’à trente mètres de hauteur
il commence grand comme une main
Son secret serait proche du nôtre
nous enseigne l’étymologie
La datte, latin dactylus, grec dactulos
est comme le doigt et son os
la palme, du latin palma, comme la paume

Son nom savant
depuis dix-sept cent trente-quatre
est Phoenix dactylifera
phénix porte-doigts
phénix parce qu’il survit aux incendies ?
ou parce qu’il serait venu de Phénicie
dans les bagages
des fondateurs de Carthage ?
Il suffit d’un noyau dans la poche

Continuer la lecture de « Au pied du palmier »

Le charme recommencé

Ensorcelé, charmé de neuf
faut que je rechante
les vertus du charme
Carpinus betulus
Suis-je, alors
chanteur de charme ?

Trapu et coriace
ses branches se replient parfois
se soudent au tronc
cannelures volumineuses
racines saillantes
serpent gris surgi
du talus

Jeteur de sortilège, de maléfice
noueur d’aiguillettes ?
Au chemin creux
bourbier l’hiver
mais à l’été
envoûtement de lumière
et de verdure
Le charme opère
Continuer la lecture de « Le charme recommencé »

Effeuillaison

Aquarelle de Dominique Mansion

Effeuillage ?
Qui nous défeuille
nous effeuille
le paysage
à la saison d’effeuillaison
à la saison de l’effeuillement
signant le passage du temps ?

Le langage est un arbre
pluie de suffixes
se détache des branches

Limbes
nervures
pétioles
s’envolent

Et la stipule
remarquée par Lamarck ?

Après le passage des fleurs
aux fruits
le moment automnal
est-il essentiellement
mélancolique ?

Saturation d’été
de sécheresse
Excès de maturité

Continuer la lecture de « Effeuillaison »

Une poignée d’olives pour la route

À l’association 1851 et aux Amis des Mées

Une olive :
Quand je serai poète
je dédierai une ode
à l’olivier
ou peut-être seulement
à son rameau
ou alors simplement
à l’olive

L’éloge surgirait
d’un simple noyau
dur et strié

Oui, l’olive pose rondement
un idéal de perfection
et de forme
par l’ovale clos
la saveur, la concision
Eh oui, elle nourrit
et tout un chacun
est ravi par l’olive Continuer la lecture de « Une poignée d’olives pour la route »

Colosse effacé le cormier le sorbier

Bel arbre, sans mentir
feuillage composé, ajouré
lent à pousser
volontiers géant
pourvu qu’on lui laisse le temps
Borne des campagnes de jadis

À la croisée des chemins
ou en limite de parcelle
écorce de chêne
rameau comparable à celui du frêne
et à l’automne, saison des brumes
petits fruits
en forme de poire

Bois rouge
d’une telle dureté
qu’on hésitait à le travailler
sauf pour les manches d’outil
les rouages du moulin
la vis du pressoir
ou de la presse
gravure sur bois
poinçons de typographe

Cormier ou Sorbier domestique
sorbier dans le midi
cormier au nord, à l’ouest

Vous dites sorbier
je dis cormier
ou l’inverse
n’allons pas nous disputer
pourvu qu’on ait l’ivresse
Continuer la lecture de « Colosse effacé le cormier le sorbier »

À l’orée

Couronnant la colline
depuis des temps immémoriaux
la forêt règne sur l’horizon

On n’en voit que la lisière
bord plus ou moins effrangé
limite plus ou moins effilochée

Faut-il dire lisière ou orée ?
Qui est dedans, qui est dehors ?
Un œil observe-t-il depuis la sylve ?

La plupart des villages, des ermitages
ont choisi de lui tourner le dos
d’ouvrir des essarts, des défrichages

À son abord quelque chose nous interdit
outre les panneaux défense d’entrer
Chasse privée, voire Attention pièges
Continuer la lecture de « À l’orée »

Avant de croquer la pomme

Illustration, Giovanna Garzoni, 17e siècle.

Il fallait bien y arriver
au pommier
et tout de suite
tomber dans les pommes
de mon enfance
au verger planté
par l’arrière-grand-père
prénommé Jules
dans la Sarthe

Tant le pommier suscite
autour de lui un jardin
de mots et mythologie
Ô Éden, ô Hespérides
filles de Madame l’Heure-du-soir
et du titan Atlas porte-monde

L’odeur des pommes
est un peu sure
Pommes à cidre
ou pommes à couteau ?
Continuer la lecture de « Avant de croquer la pomme »