Fusain « le bien nommé » ?
Bois dur et cassant
d’un grain fin et serré
son architecture torse
et désordonnée
s’emmêle volontiers
aux autres branches
Cannelures sur l’écorce
même sans espoir
d’être le plus haut
il jaillit, s’élance,
véritable fusée de bois
Avec ses feuilles lancéolées
asymétriques en leur extrémité
rougeoyantes en automne
comprend-on pourquoi
il a été baptisé
par Carl von Linné
Euonymus, c’est-à-dire
le bien-nommé ?
Mes écritures à la rue
Cette semaine, mes écritures à la rue, avec Les Grandes Personnes :
À DEMAIN (première époque)
Paris / 31 mai, 1er Juin, 16 juin
À demain ouvre une brèche vers des futurs positifs. Un acteur porte une boîte surprenante et propose aux passants d’assister en une à deux minutes à l’éclosion quasi magique d’un futur sans zombie, ni société totalitaire ou catastrophe écologique. Le dispositif d’ensemble comprend plusieurs boîtes, et autant de futurs possibles, réalisés par des plasticiens, écrits poétiquement.
Festival Onze Bouge
Mercredi 31 mai
> 17h à 18h30 autour de la place Léon Blum, Paris 11e
> 20h à 20h30 devant le Théâtre Déjazet 41, boulevard du Temple, Paris 3e
Jeudi 1er juin
> 17h à 18h30 autour de la place Léon Blum, Paris 11e
> 20h à 20h30 devant la Salle Olympe de Gouges 15, rue Merlin, Paris 11e
Les Nocturbaines
Vendredi 16 juin
> 16h30 à 17h30 sur et autour de la place de la Réunion, Paris 20e
> 18h30 à 19h au square Casque d’Or (derrière la place de la réunion), Paris 20e
Avec le soutien de la DRAC Ile-de-France, les Ateliers Frappaz – CNAREP Villeurbanne, le Moulin Fondu – CNAREP Noisy-le-Sec et la Villa Mais d’Ici
ANCÊTRES À ORLY
Orly (92) / 3 et 4 juin
Le spectacle participatif Ancêtres retrace les aventures qui ont fini par réunir nos aïeux depuis leurs diverses régions ou pays d’origine. Mêlant scènes du quotidien et aventures, le récit repose sur des figurines articulées, sculptées par les participants. Tenant à la fois de la poupée, de la marionnette et de la statuette, elles racontent l’exil, la résistance, l’amour et surtout matérialisent le lien mystérieux et invisible que chacun de nous entretient avec ses ancêtres.
Festival Orly en Fête Parc Méliès, Orly (92)
Samedi 3 juin > 15h, 16h, 18h, 19h
Dimanche 4 juin > 14h, 15h, 17h, 18h
Durée du spectacle : 40 min environ
Rondeau du bouleau
Le bouleau, son nom latin betula viendrait du celte ?
Pour Pline l’Ancien, c’était un arbre très blanc de la Gaule
Barbare et chevelue, poussant là-bas, au bord de l’eau
En pays froid, vaste, lugubre et continental
Collage littéraire et théâtral au manoir de Courboyer, le 20 mai
Vie et aventures de Valentin L***

J’ai plusieurs fois rencontré dans l’Orne de vieux paysans dont la dignité, la pudeur et l’ironie me faisaient irrésistiblement penser aux lords anglais des romans de ma jeunesse. Valentin L*** était l’un d’entre eux. Un jour, il m’a raconté sa vie pour que je la note, parce qu’il craignait que ses arrière-petits-enfants n’en sachent rien. Le récit a été transmis, en voici une version légèrement modifiée.
Fils de Gaston et Lucille L***, issu d’une famille installée depuis très longtemps dans les environs de L*** (Orne), Valentin était un petit garçon tout blond. Ses parents se sont séparés quand il avait deux ans et demi, ce qui était peu courant à l’époque, et le tribunal a décidé qu’il vivrait chez son père. Celui-ci l’a confié à un couple de cousins, Gustave et Juliette D***, qui habitaient une modeste ferme en campagne, près de L***. Si Valentin voyait assez souvent son père qui habitait les environs, il voyait moins sa mère, qui avait déménagé du côté de L’Aigle. Au bout d’un temps, les D***, qui n’avaient pas d’autre enfant, ont fini par l’adopter. Pour aller à l’école, il faisait trois kilomètres à travers champs, jusqu’au village. En hiver, il apportait une bûche pour le poêle à bois qui chauffait la classe, tenue par l’instituteur M. Hocet. L’école de garçons comportait quarante-cinq élèves, l’école de filles à peu près autant. Une bêtise dont il se souvient : un jour, il a grimpé à un arbre pour voler des cerises. Avec des camarades, il jouait à attraper des hannetons, à les attacher par une patte à bâton et à les faire tourner. Continuer la lecture de « Vie et aventures de Valentin L*** »
Un futur d’utopie politique, écrit pour le spectacle À demain, de la compagnie des Grandes Personnes
Dans ce futur-ci, tout le monde a lu le Discours de la servitude volontaire qu’Étienne de la Boétie a écrit à dix-huit ans et en a compris la substance. Rien ne se faisait sans notre assentiment, sans notre passivité. Nous avons servi dans les armées du tyran qui nous opprimait. Nous avons confié notre argent aux banques qui nous ruinaient. Nous avons acheté les produits qui nous empoisonnaient. Nous avons payé les gardiens qui nous surveillaient Nous avons baillé devant nos propres miroirs à alouettes. Nous étions sans cesse complices du crime qui nous tuait, geôliers de la prison qui nous enfermait, agents de la domination qui nous accablait. Nous nous sommes réduits en esclavage, nous nous sommes colonisés nous-mêmes.
Pourtant la solution était simple, elle dormait à portée de la main. Il suffisait de se retirer de ce jeu, de ne plus le cautionner, de ne plus le nourrir, nous qui en étions le socle. « Alors ce grand colosse dont on avait brisé la base, a fondu sous son propre poids et s’est effondré. »
L’écrivain de fiction est un méchant diable
Preuves véridiques que l’écrivain de fiction est un méchant diable
Par ici, entre ses lignes, ça sent le soufre. D’abord l’insensé parle tout seul, il soliloque sans même savoir s’il a un auditoire. C’est très suspect. Il vendrait probablement son âme pour un bon mot, pour un beau livre. Il passe son temps penché sur des grimoires étranges et trace des incantations.
Pire, par ici, entre ces lignes que vous lisez, quelqu’un joue à être un autre que lui-même, il ira jusqu’à travestir son sexe, son âge. Si un masque passe à sa portée, il le happe, il l’arbore. Il est carnaval à lui tout seul. Quelquefois, il est assassin, quelquefois victime. Comme le démon des Évangiles, si on lui demande « Quel est ton nom ? » Il risque de répondre, « Mon nom est Légion, car nous sommes nombreux. » Être possédé, se dédoubler, c’est son quotidien.
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Épine noire, épine blanche
Après la disparition du givre
quelle nouvelle floraison
accroche aux branches
les mousselines immaculées
d’un nouveau printemps ?
Épine noire, épine blanche
mon cœur balance
L’épine noire du prunellier
est la première à fleurir
L’épine blanche
ou aubépine
est la plus parfumée
Elles fleurissent
sur les deux versants de l’imagination
aux deux versants d’avril
prunellier en mars
et aubépine en mai
Laëtitia d’Ivan Jablonka ou la prétérition
Malgré ses qualités indéniables, il est bien possible que Laëtitia ou La Fin des hommes d’Ivan Jablonka repose essentiellement sur une seule figure de style, la prétérition, qui annonce qu’on va taire quelque chose pour fournir l’occasion de le dire. L’Oraison funèbre de Turenne de Fléchier en donne un exemple éclairant.
« N’attendez pas, Messieurs, que j’ouvre ici une scène tragique ; que je représente ce grand homme étendu sur ses propres trophées, que je découvre ce corps pâle et sanglant auprès duquel fume encore la foudre qui l’a frappé ; que je fasse crier son sang comme celui d’Abel et que j’expose à vos yeux les tristes images de la Religion et de la Patrie éplorée. »
Quoique le texte s’en défende, rien ne nous est réellement épargné du massacre et du démembrement de la jeune fille. Moralement, la prétérition est aussi l’outil rhétorique du Tartuffe, celui qui s’exclame « Couvrez ce sein que je ne saurais voir » et fait surgir dans l’espace du texte l’objet de sa convoitise en réclamant qu’on le cache.
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