Même si l’idée d’un lilas
qui fleurit en été couleur fuschia
ou d’un arbre à papillons peut charmer
il ne nourrit pas vraiment, le buddléia
de David, les lépidoptères
comme le ferait un arbre à pain
plutôt comme un homme à femmes
il se montre plus mielleux que mellifère
Feuilles lancéolées
légèrement velues et dentelées
tiges lancées vers le haut s’inclinant
de gauche et de droite
il conserve longtemps ses fleurs
en panicules même fanées et brunies
et sème ses graines par milliers
Il a été rapporté du Tibet
des pentes de l’Himalaya
au prix du martyre, le buddléia
par des missionnaires associés
à la fin du dix-neuvième siècle
au Muséum d’histoire naturelle
ou à l’entreprise Vilmorin
qui a commencé par un magasin
quai de la Mégisserie à Paris
où j’aimais bien aller traîner enfant
à la fin du vingtième siècle
D’abord le père David, puis Soulié
évangélisateur et colonisateur
qui fut torturé et tué
par des moines bouddhistes
inquiets pour leur liberté
Que disait la liturgie catholique
de la couleur violette
de ses fleurs ?
Pénitence, affliction
prière et humiliation
plutôt que gloire et pouvoir
Aujourd’hui se diffuse ce montagnard
si bien au bord des gares
des terrains vagues et des rails
des friches industrielles
grimpant aux murs et aux gouttières
qu’il est interdit d’en planter
sauf des pieds stériles
inventés par les pépiniéristes
Là où il triomphe
l’expérience a montré
qu’il y a moins d’insectes
mais quelle autre plante
se risquerait dans ces lieux ?