Qui ponctue l’arbre ?

Comment faire pour
que cette encyclopédie
des arbres en vers de mirliton
grimpe plus haut
avec davantage de panache ?

Sans doute lui faut-il
pour s’animer
une ponctuation fugitive
rousse ou noisette
virgule de l’arbre
point d’interrogation ébouriffé
qui l’escalade si vite
qu’on peine à le voir
et davantage à l’écrire

De temps en temps
je le vois descendre
le tronc d’un grand frêne
pour boire dans la Coudre
ou hanter les cimes
du chemin creux du clos Fontaine

É dans l’abécédaire enfantin
il en va de l’écureuil
comme des petits oiseaux
il n’aime pas rester
là où l’on peut l’observer
et vaque à l’opposé

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Traductions

Mon ennuyeux alter-ego Paul Lepic a davantage publié que moi, mais principalement des traductions

ROMANS
La Maison de la faim de Marechera, avec Xavier Garnier (Dapper, 1999)
En descendant River Road de Mwangi (Dapper, 2002)
Soleil noir de Marechera, avec X. Garnier (Vent d’ailleurs, 2012)

ESSAIS ET BEAUX LIVRES
Nouvelles architectures sacrées (Seuil, 2004)
Aéroports, un siècle d’architecture (Seuil, 2005)
Nouvelles maisons en bois (Seuil, 2006)
Histoire de l’homosexualité (Seuil, 2006, en collaboration)
Destination art (Thames & Hudson, 2007)
Cartes postales des contrées lointaines et mystérieuses (Thames & Hudson, 2007)
Architecture des limites (Seuil, 2009)
Monstres, un bestiaire de l’étrange (Seuil, 2010)
The Wyeth, trois générations d’artistes américains (Mona Bismarck Foundation, 2011)
100 idées qui ont transformé la mode (Seuil, 2011)
100 idées qui ont transformé le graphisme (Seuil, 2012)
100 idées qui ont transformé la photographie (Seuil, 2013)
100 idées qui ont transformé l’art (Seuil, 2014)
Van Gogh , Le Brouillard d’Arles (en collaboration, Seuil, 2016).
Les Portraits de Cézanne (Musée d’Orsay, 2017)
Rébellion (Seuil, 2020)
Anatomica (Seuil, 2020)
Analogique (Seuil, 2025)
L’Atlas de la finance (Seuil, 2025)

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Le mort-bois

Ramasseur de mort-bois, je suis
marche, ramasse, cueille
et personne n’a le droit
de me molester pour ça
précise la Charte aux Normands
obtenue en mille trois cent quinze
du roi Louis dix le Hutin

Le mort-bois n’est pas du bois mort
expliquent les vieux traités de droit
mais du bois vert de peu de valeur
dont les fruits sont méprisés
dont on ne fera ni planche ni poutre

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Marsault

Mars, oh, c’est le printemps
et chatons de saule dans le vent
Marceau, jeune général plein d’allant
de la République naissante
Marceau, qu’est-ce que tu mimes
Marsaut, marsault, réponds-moi
Je ne peux converser avec toi
si tu joues à cache-cache

Tu diffères par tes feuilles ovales
souvent tordues à la pointe
veloutées par en dessous
tes racines qui n’aiment pas l’eau
mais peuvent retenir la pente
ton bois plus cassant
et on te vanne surtout en montagne

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Un poème à construire vous-même

Illustration : Cabane de sapin recyclé, agence d’architecture UMA

J’apporte un rameau
J’apporte un rameau
et il serait bien que vous lisiez
ces trois phrases de Jon Fosse

Une : Écrire est comme construire
une cabane de feuilles en forêt
quand on est enfant

Deux : On se glisse à l’intérieur
on allume une bougie
et on se sent protégé

Trois : Je continue à écrire
depuis cette cabane intérieure

Cabane d’écriture intérieure
cabane de feuilles en forêt
seul lieu où se sentir en paix
où paresser comme un poète
à l’abri, à l’affût
plus gloriette que glorieuse

Et soudain toute ma poésie
se resserre en un mot
unique et saturé de signification
graine, germe, bulle, coquille de poème

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Réédition de Mademoiselle V. chez Flammarion

Les éditions Flammarion ont décidé de rééditer mon roman Mademoiselle V. dans leur collection scolaire « Étonnants Classiques ». Il sera en librairie le 19 novembre 2025.
C’est Jack Chaboud qui m’avait proposé très aimablement d’écrire pour la jeunesse et qui l’avait édité chez Magnard il y a un siècle, en 1999, avec des illustrations de Jean-Michel Nicollet. Il avait déjà été réédité chez Magnard en 2005.
C’est aussi Jack Chaboud qui m’avait fait découvrir dans mon propre texte l’influence du mythe de la caverne. L’inspecteur de police Raymond Schwartz y fait une première apparition dans les couloirs du métro.
Je n’ai jamais réussi à avoir une quelconque influence sur le choix de l’illustration de couverture, mais je suis heureux d’apprendre qu’il est conforme au nouveau programme de sixième et que l’Éducation nationale recommande sa lecture.
Jacques Baudou en avait fait une brève critique dans Le Monde :
« Est-il possible de renouveler encore le thème du vampire ? C’est ce que démontre, de façon très brillante, Jean-Baptiste Evette en faisant de sa mademoiselle V., née en 1715, non pas simplement un monstre qui survit dans le Paris souterrain en vampirisant les passagers du métro, mais « quelqu’un qui serait venu d’un pays trop lointain, trop nocturne… » C’est en tout cas ce que pense à la toute fin du livre l’héroïne Hélène, qui, au terme d’une longue traque, a noué le début d’une amitié avec elle. Et c’est ce sentiment que l’auteur de ce roman superbement écrit réussit à faire partager au lecteur. Tout en campant un beau personnage de policier, aux antipodes des clichés. »
Il est déjà en précommande https://www.leslibraires.fr/offres/25210508

Arbre à papillons

Même si l’idée d’un lilas
qui fleurit en été couleur fuschia
ou d’un arbre à papillons peut charmer
il ne nourrit pas vraiment, le buddléia
de David, les lépidoptères
comme le ferait un arbre à pain
plutôt comme un homme à femmes
il se montre plus mielleux que mellifère

Feuilles lancéolées
légèrement velues et dentelées
tiges lancées vers le haut s’inclinant
de gauche et de droite
il conserve longtemps ses fleurs
en panicules même fanées et brunies
et sème ses graines par milliers

Il a été rapporté du Tibet
des pentes de l’Himalaya
au prix du martyre, le buddléia
par des missionnaires associés
à la fin du dix-neuvième siècle
au Muséum d’histoire naturelle
ou à l’entreprise Vilmorin
qui a commencé par un magasin
quai de la Mégisserie à Paris
où j’aimais bien aller traîner enfant
à la fin du vingtième siècle

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Les fausses cerises du faux laurier

Tout le monde vous connaît
Prunus laurocerasus
sans toujours savoir votre nom

Sempervirents aux feuilles cirées
arbres uniformes
rangés au garde-à-vous
j’ai du mal à vous aimer
ou à comprendre
l’affection que d’autres vous portent
comme à Stan Laurel

Il faut dire, je me suis inquiété
quand ma cadette s’est barbouillée
avec une amie de son âge
de vos fausses cerises
noyaux riches en cyanure
feuilles et racines aussi
et je suis rancunier

En somme laurelles
tellement habituelles
qu’on ne les voit plus
quand elles nous envahissent
subrepticement

Arbres in partibus
cerisiers de Trébizonde
selon Pierre Belon du Mans
acclimatés en Europe
au seizième siècle
vous apportez votre monotonie
jusqu’au fond des campagnes
et assez de poison
pour assassiner un cheval

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Exils du thuya

Photo Kalaloch Redcedar, Woodley Wonderworks

En Europe, pour masquer
nos médiocres châteaux
périphériques et empêcher
qu’on voie qu’il ne s’y passe rien
nous avons planté des haies opaques
de béton vert, nanifié, taillé, retaillé
Thuja occidentalis ou Thuja plicata
que les pépinières continuent à vendre

Son feuillage étrange et odorant
dont les écailles vertes ressemblent
à des arbres miniatures
formés d’autres arbres encore plus petits
remonte à des ères dinosauresques

Boudé par les oiseaux, acidifiant la terre
il repousse les insectes
sauf un, le bupreste du genévrier
qui l’a ajouté à son régime
et ne se gêne pas pour l’exterminer
Les thuyas américains sont déjà
interdits par certains de nos voisins

Au nord-est Thuja occidentalis, exporté
dans les bateaux de Jacques Cartier
et confondu avec l’annedda
qui a sauvé son équipage du scorbut
si bien qu’il se retrouve baptisé
Arbor vitae, arbre de vie
dans les jardins du roi François

Chez lui, il s’appelait grand-mère giizhik
avec grand-père bouleau
il protégeait les Ojibwas
dans ce monde-ci et dans l’autre

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Douce-amère

À Radio l’OMbre

Écrire simplement
« morelle douce-amère »
c’est déjà un poème
de la famille des volubiles
qui accroche aux arbres
feuilles, fruits et fleurs
simultanément

Tout de suite
amie solitaire, excentrique
de la fraîcheur du sous-bois
et des berges du torrent
robe de feuilles pointues et veloutées
étole de fleurs
violettes et jaunes
de fruits verts puis rouges
miniatures tomates de ciel
toxiques et hallucinantes

Piratant, petite More, elle
les branches des autres
y jetant ses grappins
à l’abordage, pourtant
beauté fragile, précaire
Pas si loin l’été calcine tout
et des forêts brûlent
de l’Ardèche à Brocéliande

Solanum dulcamara
Petite Maure, elle,
on soupçonne
qu’elle ensorcelle
ou empoisonne
car les fruits de sa sœur
mûrissent noirs

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