Son pays est un livre
Il y revient
Son pays est un livre qui n’est pas fermé
Se sent apatride, exilé, trop inadapté
trop mauvais sujet, cas social, trop émotif
pour habiter à l’intérieur de ces étroites frontières-ci
assassines
Alors fonde son appartenance
dans un livre
exilé comme un juif
son pays conquis par Rome
son temple détruit
l’Arche perdue
Où habiter d’autre que dans un livre ?
Le livre, Tanakh, Talmud, Zohar
aussi bibliothèque que livre
ses récits merveilleux et monstrueux
ses romans, généalogies, psaumes
son poème d’amour
ses proverbes, prophéties et énigmes
Son pays est un livre inévitable et irremplaçable
grande plaine du texte
puszta, souffle du chant
forêt des signes, cartographie secrète
Île au trésor, carte du Tendre
Mont Analogue, alpages de Ramuz ou Roud
ombrages, abris de mots
océan, flux, reflux
Travailleurs de la mer Continuer la lecture de « Mon pays est un livre »



Lire Le Dernier Stade de la soif de Frederick Exley est une aventure étrange à laquelle j’ai failli renoncer. Le récit déroule une addiction incurable à l’alcool et au football américain, de nombreux séjours en clinique psychiatrique, y compris des traitements aussi violents qu’absurdes, dont l’insulinothérapie, qui repose sur des injections d’insuline pour priver brutalement l’organisme de sucre, ou des électrochocs.
Mon premier souvenir de lecture, il me semble, remonte à un album du Père Castor, illustré par Gerda Muller, alors que je ne sais pas encore lire. Comme je tousse beaucoup, je reste au lit et je porte sur la poitrine un cataplasme à la moutarde. Dans mon souvenir, c’est un remède aussi inefficace que désagréable. Mon père pour me faire patienter me lit un conte dans un album.
C’est l’époque où la collection pour la jeunesse des éditions Gallimard, « Mille Soleils », est entrée chez nous en nombre, une idée de notre père. Il y avait parmi ces livres d’un format un peu inhabituel, pourvus d’une jaquette illustrée, des titres de Ray Bradbury, auteur pour lequel j’allais avoir une affection constante, et Jacquou le Croquant d’Eugène Le Roy un écrivain dont je ne sais rien. Là encore, j’appréciai l’esprit de révolte, car le croquant brûle le château et manque de violer la châtelaine, et je m’irritai d’une morale naïve sur l’amour, car j’étais déjà définitivement opposé aux maximes modérées et raisonnables, surtout quand il était question d’amour.