Doutes sur le verbe « narrer »

La grammaire ne le signale pas comme un verbe défectif ou défectueux, mais
est-ce qu’on écrit, autobiographiquement, je me narre ? Il se narre ?
est-ce qu’on demande réellement : Qui a narré ?
est-ce que j’ai déjà lu : Il narra et renarra toute l’histoire d’une voix nasillarde ?
j’ai l’impression que ce verbe étrange se conjugue rarement
pourtant, remarque Littré, dans Les Provinciales de Pascal, ou plutôt de Louis de Montalte
« Je vous suis plus obligé que vous ne pouvez vous l’imaginer de la lettre que vous m’avez envoyée ; elle est tout à fait ingénieuse et tout à fait bien écrite. Elle narre sans narrer ; elle éclaircit les affaires du monde les plus embrouillées. »
Inénarrable, soit, mais narrable ? À part Paul Valéry, révérence.
Narrateur, évidemment, comme interrogateur, calomniateur, mais aussi acteur ou danseur.
Comme certains êtres, un mot peut provoquer un léger malaise.
Qu’est-ce que vous me narrez là ?

Face au texte : L’ancrage

L’âge venant, les lunettes s’imposant, vient le désir de regarder les mots de plus près, de tâter leur relief et leur texture, de les goûter, d’interroger leur profondeur, de sonder leur généalogie.

Alors, en effet, ralentissant, se coince la loupe sur l’œil pour examiner les facettes, le brillant et la couleur du mot ; s’attarde et se perd parfois dans de vastes catalogues, l’immense Larousse du XIXe siècle, les Grand Robert, Dictionnaire historique de la langue française, Littré, ou même La Curne de Sainte-Palaye.

Le possède l’impression que les vieux mots, même ceux qui sont inusités depuis des décennies, n’ont rien perdu de leur force expressive, qu’ils nomment des outils de métiers disparus, des pièces d’architecture navale, des rituels archaïques ou des nuances de sentiments oubliées ; reste donc plutôt imperméable aux vogues récentes et fugitives, au « ressenti » ou au « vécu ».

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