Thèse et antithèse du gui

Présent toute l’année
mais plus évident
par temps de ciel laiteux
peint à la grisaille
temps de neige

Sempervirent
ce toxique nous atteindrait au cœur
précipitant ses battements
comme le baiser
sous son feuillage clairsemé
sous le gui échangé
baiser et non suçon
de petit vampire vert
assoiffé de sève

Que viens-tu faire
demandera-t-on au rimailleur
pousse méprisée et méprisable
petit parasite
dans ce sentier
déjà emprunté
par Francis Ponge
« Le gui la glu »
dont tu sembles
tout imprégné ?
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Le calembour

THÉORIE DES CALEMBOURS

Petit Janus, gamin frondeur, concentré de subversion, d’imagination et de désir, pique-assiette volontiers insolent, misogyne ou obscène, le calembour, qu’il s’habille en à-peu-près, contrepèterie, homophonie ou équivoque, dynamite la raison et la bienséance. On le verra au fil du temps briller à la cour ou se morfondre en exil, réfléchir sur le langage ou inventer des formes littéraires, consterner, affoler ou réjouir les penseurs. Toujours il revient, par en dessous, se tailler sa place au soleil.

LE MOT ET LA CHOSE

Calembour surgit dans les années 1750, venu on ne sait trop d’où. Il désigne un jeu de mot fondé sur une ressemblance sonore ou homophonie, entre deux mots de sens différent. Sa ressemblance avec calembredaine et avec bourde semble lui nuire tout de suite. Dès l’origine, il est double et insinuant : il a un homophone venu de Malaisie, calambour ou calambac, bois parfumé qui sert en marqueterie, et il s’introduit chez les meilleurs auteurs, se glissant dans une lettre de Diderot à Sophie Volland de décembre 1768. Et le premier calembourdier (ou calembouriste) peut entrer en scène, c’est Nicolas Maréchal, autoproclamé marquis de Bièvre (1747-1789), mousquetaire et fin diseur, petit-fils du premier chirurgien de Louis XIV. Il publia en 1770 une Lettre écrite à Madame la Comtesse Tation par le Sieur de Bois-Flotté, étudiant en droit fil que suivirent bientôt Notes historiques sur l’abbé Quille, Les amours de l’Ange-Lure et de la Fée-Lure puis une pièce de théâtre en un acte intitulée Vercingentorixe, farcie de calembours qui n’ont rien à voir avec l’action et qui la parasitent irrespectueusement. Elle contient ces vers immortels :

Je sus comme un cochon résister à leurs armes,
Et je pus comme un bouc dissiper vos alarmes,

 « Ceci est exécrable, disoit-on à l’auteur, vous écrivez je sus & je pus avec un s à la fin, il faudroit qu’on pût y mettre un e pour que le kalembour fût exact : Celui-ci répondit au censeur : Eh bien ! Monsieur, je ne vous empêche point d’y mettre le vôtre, un nez pour un e [un é]. » rapporte l’article kalembour du supplément de 1777 à l’Encyclopédie. L’orthographe du calembour, en effet, pose un problème épineux, dans la mesure où il est souvent fondé sur une homophonie qui suppose deux orthographes différentes à la fois.

Il appartient davantage à la sphère de l’oral qu’à celle de l’écrit, comme le dit encore l’Encyclopédie, puisque sa qualité dépend de son à propos :
C’est toujours la manière d’amener & de placer le kalembour qui le rend plus ou moins plaisant : par exemple, ce seroit une platitude bien froide de dire : cet homme-là mérite d’être cru, il ne faut pas le cuire ; mais on sera sûr de faire rire avec le même équivoque, en supposant un homme condamné à être brûlé qui, au moment où l’on va mettre le feu au bûcher, veut parler encore pour sa justification, & en admettant un interlocuteur qui lui adresse ces mots : va, mon ami, ce que tu dis là & rien, c’est la même chose, tu ne sera plus cru. Continuer la lecture de « Le calembour »

Ygdrasil règne sur avril

Chêne de Saint-Germain-de-la-Coudre, photographie de P.-A. Touge

Colosse altier auprès duquel les autres représentants du peuple des arbres paraissent des enfants accourus sous son ombrage, sa majesté occupe noblement l’espace, déployant en éventail ses ramures géantes.

La perfection même du tracé rappelle les formes beaucoup plus réduites (les formules disait Francis Ponge) des madrépores, des coraux, ou d’une algue vernie et séchée qu’enfant on a vu sur la cheminée de sa grand-mère.

Est-ce un mathématicien divin qui a rêvé l’arborescence modèle, fractale peut-être, le subdivisant à toutes les échelles, du tronc aux ramilles, des maîtresses branches au plus fin rameau ou juste le bel équilibre de la nature et du hasard ?

Assurément, il fait partie des piliers qui soutiennent la voûte céleste, comme le fameux Ygdrasil.