Infortunes du poète

Après avoir passé de longues semaines, puis des mois et finalement des années à étudier la langue des morts pour pouvoir communiquer avec eux, le poète se trouva soudain démuni, lorsqu’il dut parler à nouveau avec des vivants. Plus personne ne le comprenait.

Fragment de Maldoror

Où est-il passé ce premier chant de Maldoror, depuis que sa bouche, pleine des feuilles de la belladone, le laissa échapper, à travers les royaumes de la colère, dans un moment de réflexion ? Où est passé ce chant… On ne le sait pas au juste. Ce ne sont pas les arbres, ni les vents qui l’ont gardé.
Isidore Ducasse-Lautréamont, Les Chants de Maldoror.

Anthologie des poèmes écrits lors des ateliers l’eau de là

Osons être profonds, osons jeter l’hameçon dans la mâchoire du mystère
Anthologie des poèmes écrits lors des ateliers l’eau de là, avec des enfants et des adultes, à Saint-Germain de la Coudre, au Theil sur Huisne et à Bretoncelles, organisés par le parc naturel du Perche et la Compagnie du théâtre
L’eau de là, anthologie des ateliers d’écriture

La vie dans la campagne de l’Orne, avant la mécanisation

Grâce à un atelier d’écriture, grâce à la confiance de quelques anciens, une poignée de fragments nostalgiques, drôles et parfois tristes sur la vie de jadis dans les campagnes, dans les environs du Mêle-sur-Sarthe, à l’époque où les villages étaient pleins d’enfants et où les fermes recrutaient des ouvriers agricoles en grand nombre. Quelques souvenirs de l’exode, des bombardements aussi. Et un parler inventif et énergique que j’ai essayé de retranscrire.

http://regardscroiséssurnoscampagnes.org/WordPress3/wp-content/uploads/2016/02/textes-souvenirs-de-mobilité.pdf

Exhortations

Aiguise tes couteaux
Mets un caillou dans ta chaussure
Avec armes et sans bagages
décampe
Prends ombrage
Brise la trêve
Rabats joie et trouble fêtes
Bois sans soif et pisse vinaigre
Fomente une rébellion
Cours, cours, à corps perdu
à tue tête
Entretiens le malaise
Mords les chiens
Frotte du sel sur tes plaies
Fuis le repos
Pleure sans cesser de courir
Piétine, enjambe, brasse
Chemine, chemine encore
Conspire, dissipe tes trésors
Déraisonne, dépense
jusqu’à ton dernier sou
ta dernière chemise, ton dernier souffle
Cours toujours
Si tu as faim, mange ta main
mais garde l’autre
pour te faire un sang d’encre
et des doigts de plume

Atelier d’écriture à l’Aigle

Les ateliers d’écriture de décembre au collège Molière de l’Aigle (61) ont été très marqués par les échos de l’attentat de Paris, cela se voit et cela s’entend.
« Je reviens de Paris avec le regard triste.»


https://metamorphosesdelaigle.wordpress.com

 

Se piquer d’érudition

L’églantier
Sur le buisson dardant de l’églantier se greffe un tel concours de mots et d’érudition qu’il est un sujet épineux. Appelé au Moyen Âge aiglant puis aiglantier, il montrerait des affinités avec l’air et le vol, tout autant qu’avec le bec ou la serre. À en croire mon vieux Larousse, on retrouve écrit dans son nom un antique verbe sanskrit, , traverser, être tranchant, aigu, acéré, comme, par exemple, açri, fil ou tranchant de l’épée ; âçi, crochet de serpent.
Ancêtre rustique, rude, rustre de la rose, sa floraison déploie cependant cinq pétales d’un éclat délicat, d’une nuance raffinée. Elle est à la fois discrète et remarquable, puisqu’elle bénéficie d’un nom bien distinct de celui de l’arbuste, églantine, d’où l’on baptisa beaucoup de jeunes filles en fleur.
Dans la haie, ses tiges s’arment d’aiguillons recourbés, mais, par paradoxe, notre flore campagnarde se parant de jolies bondieuseries, ses fleurs rappellent la rosa sine spina, rose mystique sans épines, mère du Christ. Elles marient un symbole de féminité et de douceur avec les douloureux piquants de la couronne du crucifié.
Sa rusticité ne va pas sans une vulgarité de bon aloi. Son nom savant est bien entendu latin, rosa canina, celui de son fruit, grec, cynorhodon, rosier du chien, parce qu’il aurait guéri les morsures, dit-on. Je préfère imaginer qu’il était la plante favorite des philosophes cyniques. D’ailleurs le cynorhodon s’appelle aussi gratte-cul, et les cyniques aimaient choquer et irriter, davantage que dispenser confiture ou sirop.
L’églantier sait aussi se parer d’une efflorescence étrange et chevelue, qui porte le nom cartographique arabo-persan de bédégar, rose du vent, provoquée par la pondaison d’une guêpe dite cynips.
Peu exigeant, l’églantier se bouture, se marcotte, se rejette, il est du bois dont on fait les fagots, et sur ce mot, je doute qu’on me pare de l’églantine décernée au meilleur poète des jeux floraux de Toulouse.