Thèse et antithèse du gui

Présent toute l’année
mais plus évident
par temps de ciel laiteux
peint à la grisaille
temps de neige

Sempervirent
ce toxique nous atteindrait au cœur
précipitant ses battements
comme le baiser
sous son feuillage clairsemé
sous le gui échangé
baiser et non suçon
de petit vampire vert
assoiffé de sève

Que viens-tu faire
demandera-t-on au rimailleur
pousse méprisée et méprisable
petit parasite
dans ce sentier
déjà emprunté
par Francis Ponge
« Le gui la glu »
dont tu sembles
tout imprégné ?
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Face au texte : entre les lignes

Pattes de mouche,
Le signe nous laisse perplexe
autant qu’un singe, un texte de loi

Sans tambour ni trompette
sans que résonnent les trois coups
sans ouverture de rideau rouge
entrent les lignes

Sur le sable de la page
simples traces de pas
d’un visiteur solitaire
L’homme qui parle tout seul
s’est perdu dans le lointain

Deux sortes de textes
les uns sont clos, inaccessibles
comme protégés par une vitre
Les autres, le lecteur peut s’y inscrire
parce qu’une place est laissée
entre les lignes

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Ballade du tilleul

Volé à Yannick, http://www.crokfun.com
Volé à Yannick, http://www.crokfun.com

Tilleul n’es-tu
qu’arbre de cour d’école
de jardin public
facile à tailler
souvent mutilé
familier et vaguement ennuyeux ?

N’es-tu que bois blanc,
sans fermeté
un nom un peu mouillé
quelques samares
à l’automne dispersées ?

Si le café me convient
davantage
que l’infusion
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Raisons de choisir un hêtre

Pour être à la hauteur
bien qu’il ne soit pas du bois
dont on fait les charpentes
il faut que je gravisse la pente
que j’aille jusqu’à la forêt

Car ici, on ne le voit
ni dans le bois
ni dans la haie
D’ailleurs Linné le baptisa
Fagus sylvatica
hêtre des forêts

Ainsi le hêtre est une essence…
L’être et l’essence
voilà qui paraît compliqué
pour un géant lisse et gris
qui ne se demande pas
s’il est hêtre
s’il pourrait être mieux qu’un hêtre
s’il devrait être
autrement

Selon les temps et les lieux
il s’appelle tout à la fois
hêtre, fayard, fou, fau

Raisons de choisir un hêtre
plutôt que le néant ?
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Prière à la haie

Eh, foin du thuya !
du laurier palme
de ces murs verts
taillés carrés
sans caractère !

Vivent les haies vives
d’essences variées
demi-sauvages
dont nul ne songe
à domestiquer
la hauteur !

Par tous les temps
les arbres font la haie
debout, sans lassitude
avec parfois quelque émoi
Un frisson dans le vent
Une rumeur dans la pluie

La haie raconte de
vieilles histoires de découpage
de frontière
de délimitation
de dots
d’héritages
d’avant
le remembrement

Haie
es-tu perspective
monde en deux dimensions ?

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Genévrier thurifère

Genévrier des Aurès, photographie de Hakim Mohamdi

On est tenté de rêver, de révérer
le genévrier
thurifère ou « porte encens »
comme un roi mage d’antan

Mais à deux, à trois reprises
il nous échappe
se cache derrière l’horizon
Où est le thurifère
sans lequel aucune cérémonie
n’aura lieu ?

Comment faire
que les dieux
remarquent nos prières
sans ta fumée
sans ton parfum
montant vers les cieux ?
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La ballade du pauvre Jean

Je suis Jean
enfin pas exactement
mais presque
Jean d’ici
par hasard de naissance
je pourrais être
Jean d’ailleurs

Bras cassé
cas social
bouche à nourrir
Jean de sac et de corde
Jean-foutre ?

Jean le décapité
à l’intelligence douloureuse
et approximative
court absurdement
ici et là
comme un poulet sans tête

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Peuplier noir, peuplier blanc

heliades0

Dans le vallon
dans la brume
au bord des eaux
voisin du saule
le peuplier blanc
s’habille d’écorce blanche
mouchetée de lenticelles
minuscules fenêtres losangées

Le peuplier noir
seulement un peu plus sombre
ne s’appelle sans doute ainsi
que pour faire opposition
S’il y a un blanc, il faut un noir
et réciproquement

Tous deux sont comme nous
soit mâles soit femelles
pas les deux à la fois
Étranges amants
enracinés loin
l’un de l’autre
privés d’étreinte

Le peuplier s’appelait jadis « peuple »
du latin populus
et on lui adjoignit
le suffixe des fruitiers
alors que son fruit
n’est qu’une capsule
qui s’ouvre pour lâcher
un avion de coton minuscule

On nommait ses  bourgeons précoces
enduits d’un suc visqueux
et parfumés
« yeux du peuple »

Comment un arbre est-il un peuple ?
s’interrogeaient déjà nos aînés
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Minute = papillon

Habituellement, passent en rang assez serré
chantent leur petite musique
récitent leur litanie
font trois petits tours et puis s’en vont
On les croirait jumelles
mais chacune, une légère altération
un changement de lumière
de coloration, d’humeur

Scintillent et s’éteignent
dansent au-dessus du gouffre
tombent pile ou de travers
Mystère parent de celui de la musique
qui existe dans l’instant de sa disparition
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