Demain, les très anciennes recherches sur la musique des sphères, sur l’harmonie céleste, ont enfin abouti. Pendant des siècles on s’était demandé ce qui unissait les sept notes de la gamme et les sept planètes. Par quelle harmonie musicale secrète les astres tournaient-ils dans le ciel sans tomber, sans se cogner ? Quand on a enfin entendu les airs venus des étoiles, l’harmonie de l’univers s’est révélée. Sa tessiture est devenue palpable et audible, et nos guerres, nos disputes, nos vieilles querelles sont tombées dans l’oubli. D’autres voyages sont devenus possibles. L’harmonie céleste ! La musique des sphères !
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Cornouillers : Jumeaux de bois et de sang
Buisson ou arbuste
de peu de mine
jadis renommé
depuis oublié
D’ailleurs affublé d’un suffixe
qui dénonce des actions ratées
ou inutiles
Se déploie, le cornouiller
en deux variétés
complémentaires et opposées
comme le fer et le sang
dans un conte
pas pour enfants
L’un, cornouiller sanguin
cornus sanguinea
fleurit blanc
et possède des fruits noirs
immangeables
L’autre, cornouiller mâle
cornus mas
porte fleurs jaunes
puis fruits rouges
cerises oblongues
comestibles
une fois blettes
Ils sont tous deux
dotés de feuilles étranges
dont les nervures
au lieu de diverger
se rabattent vers une pointe
légèrement asymétrique
Semer du sel
Sel
sur nos vies
sur nos vérités
sur nos ruines de Carthage
Exilés, repoussés
vers les terres du sel
les paluds, les salines
Nous vivons pieds nus
brûlés et séchés
au bord des étiers
sans ombrage
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« Ferai des vers de pur néant », sixains de Guillaume IX d’Aquitaine (1071-1127)
Ferai des vers de pur néant :
Ne sera de moi ni d’autres gens,
Ne sera d’amour ni de jeunesse,
Ni de rien d’autre.
Les ai trouvés en somnolant –
Sur un cheval !
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Un modeste essai de sorcellerie pour le diplôme de « grand médium voyant satisfait ou remboursé »
Rondeau du bouleau
Le bouleau, son nom latin betula viendrait du celte ?
Pour Pline l’Ancien, c’était un arbre très blanc de la Gaule
Barbare et chevelue, poussant là-bas, au bord de l’eau
En pays froid, vaste, lugubre et continental
Vie et aventures de Valentin L***
J’ai plusieurs fois rencontré dans l’Orne de vieux paysans dont la dignité, la pudeur et l’ironie me faisaient irrésistiblement penser aux lords anglais des romans de ma jeunesse. Valentin L*** était l’un d’entre eux. Un jour, il m’a raconté sa vie pour que je la note, parce qu’il craignait que ses arrière-petits-enfants n’en sachent rien. Le récit a été transmis, en voici une version légèrement modifiée.
Fils de Gaston et Lucille L***, issu d’une famille installée depuis très longtemps dans les environs de L*** (Orne), Valentin était un petit garçon tout blond. Ses parents se sont séparés quand il avait deux ans et demi, ce qui était peu courant à l’époque, et le tribunal a décidé qu’il vivrait chez son père. Celui-ci l’a confié à un couple de cousins, Gustave et Juliette D***, qui habitaient une modeste ferme en campagne, près de L***. Si Valentin voyait assez souvent son père qui habitait les environs, il voyait moins sa mère, qui avait déménagé du côté de L’Aigle. Au bout d’un temps, les D***, qui n’avaient pas d’autre enfant, ont fini par l’adopter. Pour aller à l’école, il faisait trois kilomètres à travers champs, jusqu’au village. En hiver, il apportait une bûche pour le poêle à bois qui chauffait la classe, tenue par l’instituteur M. Hocet. L’école de garçons comportait quarante-cinq élèves, l’école de filles à peu près autant. Une bêtise dont il se souvient : un jour, il a grimpé à un arbre pour voler des cerises. Avec des camarades, il jouait à attraper des hannetons, à les attacher par une patte à bâton et à les faire tourner. Continuer la lecture de « Vie et aventures de Valentin L*** »
Épine noire, épine blanche
Après la disparition du givre
quelle nouvelle floraison
accroche aux branches
les mousselines immaculées
d’un nouveau printemps ?
Épine noire, épine blanche
mon cœur balance
L’épine noire du prunellier
est la première à fleurir
L’épine blanche
ou aubépine
est la plus parfumée
Elles fleurissent
sur les deux versants de l’imagination
aux deux versants d’avril
prunellier en mars
et aubépine en mai
« 38 » un poème de Layli Long Soldier
Personne ne me l’a demandé, mais par sympathie, par révolte, par nervosité, par curiosité, j’ai traduit ce poème épique, drôle et triste de Layli Long Soldier sur les Dakota 38, dont l’original anglais se trouve ici, onbeing.org/poetry. Par hasard il rappelle les événements d’un 26 décembre.
Ici, la phrase sera respectée.
Je composerai chaque phrase avec soin, conservant à l’esprit ce que les règles de l’écriture édictent.
Par exemple, toutes les phrases commenceront par une majuscule.
Toutes les sentences commenceront par une capitale.
De même, l’histoire dans la phrase recevra les honneurs d’une ponctuation appropriée en son extrémité, un point ou un point d’interrogation qui marquera l’accomplissement (temporaire) d’une idée.
De même l’histoire de la sentence…
Il vous importe peut-être de savoir que je ne considère pas ceci comme une « création ».
En d’autres mots, à mes yeux, il ne s’agit pas d’un poème inspiré ou d’une œuvre de fiction.
D’ailleurs, on n’y théâtralisera pas les événements historiques pour les rendre passionnants.
Donc, ma responsabilité s’exerce surtout sur la phrase, sur son ordre, elle qui convoie la pensée.
Ces préalables achevés, je commence :
Il est possible qu’on vous ait déjà parlé des 38 Dakotas.
Si c’est la première fois qu’on vous en parle, vous vous demandez sans doute, que sont les « 38 Dakotas » ? Continuer la lecture de « « 38 » un poème de Layli Long Soldier »
Ron Padgett et l’absence de la Bastille
La Bastille
La première fois que j’ai visité Paris
Je suis allé à l’endroit où la Bastille
s’était dressée, et bien que
J’y aie vu la colonne
J’étais trop conscient que
La Bastille n’y était pas :
Je n’ai pas su comment
Voir la vacuité.
Quand les gens vont voir
Les Twin Towers disparues
Ils semblent apprécier de ressentir
Le manque de quelque chose
Je n’aime pas être conscient
Que ma mère n’existe
Plus ou le sentiment d’en
Être conscient. Pardonnez-moi
De comparer ma mère
À un vaste édifice. Et aussi
De parler d’absence.
Le ciel rouge et noir
Au-dessus des toits
S’assombrit et les habitants
Se hâtent vers chez eux pour dîner.
J’espère vous revoir bientôt.
Ron Padgett, Nine Poems, in Jacket Magazine.
L’original anglais : Jackett Magazine.