
Double entrevue avec un chêne

Le bric-à-brac de Jean-Baptiste Evette
site personnel
Méditations poétiques sur des arbres remarquables ou ordinaires et quelques « mauvaises herbes » : https://www.jean-baptiste-evette.fr/index-des-arbres/
Certes, il reste vert
en hiver
ilex aquifolium
et cela nous rassure
peut-être encore
sur le retour
des beaux jours
Mais une fois décrochées
les décorations de Noël
une fois passées les festivités
et les pâtisseries
que reste-il du houx ?
Un cri dans la forêt
appel ou avertissement
de bête nocturne
Entre en scène le coriace
chevalier vert
cuirassé de pointes
en sa jeunesse
Pourquoi la ronce ?
me demandera-t-on
Ce n’est pas la plus belle
des fleurs de mon jardin
Peut-être parce qu’elle est
mal aimable, rebelle
épineuse ?
Peut-être parce que les écorchures
causées par ses aiguillons
ont un air enfantin
d’école buissonnière
d’aventure
et de gourmandise
Pourquoi arracher le lierre ?
Liane du nord, hedera helix
liane ligneuse
Vêture du bonhomme hiver
linceul des vieilles demeures
couronne de bacchante
ceinture de fée nue
Il faut bien qu’il cache un secret
et j’ai dû croiser un jour
sans me souvenir où
un masque de feuilles vernissées
où deux yeux étincelaient
D’Étienne Jodelle, dans Les Amours (1574)
J’aime le vert laurier, dont l’hiver ni la glace
N’effacent la verdeur en tout victorieuse,
Montrant l’éternité à jamais bien heureuse
Que le temps, ni la mort ne change ni efface.
J’aime du houx aussi la toujours verte face,
Les poignants aiguillons de sa feuille épineuse :
J’aime le lierre aussi, et sa branche amoureuse
Qui le chêne ou le mur étroitement embrasse.
J’aime bien tous ces trois, qui toujours verts ressemblent
Aux pensers immortels, qui dedans moi s’assemblent,
De toi que nuit et jour idolâtre, j’adore :
Mais ma plaie, et pointure, et le Nœud qui me serre,
Est plus verte, et poignante, et plus étroit encore
Que n’est le vert laurier, ni le houx, ni le lierre.
Montant au col de Beauvoisin
en vue de la croix de Justin
autre pays des merveilles
essoufflé mais les yeux grand ouverts
sur une pente buissonneuse
j’ai aimé
l’allant de jeunes arbres
l’élan vigoureux et désordonné
de leur tronc mince
gris, tacheté
moins appesanti
que moi par la gravité
Comment ne pas admirer
leurs faisceaux de fruits
verts, orange ou rouges
selon leur maturité
et surtout la danse changeante
de leurs feuilles gauffrées
argentées au verso ?
J’ignorais leur nom
peut-être un sorbus
genre fourre-tout
ou un prunus inconnu ?
Continuer la lecture de « Le pays de l’alisier blanc »
Là bas, jadis, au pays d’Épire
barbare et mystérieux
lointain, nordique et pluvieux
du moins au yeux des Grecs
dans le bruissement des ramures
d’un bois de chênes
on déchiffrait les paroles de Zeus
le dieu assembleur des nuées
et la légende de Dodone me fascine
Me mêlant de ce qui ne me regarde pas
je me demande si les chênes
nous observent
quand leurs rameaux
oscillent et chuchotent
même sans vent
Serviteurs de l’oracle
les Selles, ascètes méconnus
vivaient pieds nus
Mal lavés, dit Homère
ils dormaient à même le sol
sans doute pour mieux
comprendre les arbres
mais on ne nous dit pas
s’ils rêvaient debout
Continuer la lecture de « Dans les yeuses »
Nain peut-être
au royaume des lettres
souvent les fruits poétiques
paraissent hors de portée
pourtant, je m’obstine et
me hisse sur la pointe des pieds
Mais heureusement cet arbre-ci
un peu plus au sud
incline sa ramure et ses énigmes
jusqu’à moi
sans fatigue
Son tronc ?
Gris, lisse
parfois tors, déviant de la verticale
se livre à des penchants capricieux
Ses branches ?
sinueuses, cassantes
annelées ou bourgeonnantes
Son ombre ?
Dense et fraîche
aurait tenté le serpent
d’y abriter son intrigue
Son parfum ?
Riche et sucré
pour peu qu’il soit chauffé
au soleil d’été
Ses feuilles ?
Vernissées, de forme aussi variée
que les interprétations d’un verset sacré
auraient aidé les parents premiers
à cacher leur nudité
Continuer la lecture de « Le figuier, arbre aux fables »
Malgré sa taille
j’ai du mal à m’y intéresser
Comme le platane
j’ai l’impression
qu’il est banalement
planté en rangées ou en allées
par des édiles ou jardiniers
sans imagination
On appelle d’ailleurs « marronnier »
un article de journal
récurrent et peu intéressant
Pourtant le marronnier
triomphant en saison
de fleurs blanches
coniques ou pyramidales
et de grandes feuilles composées
à sept ou cinq folioles
est sans doute le premier arbre
que j’ai appris à reconnaître
même si ses fruits étaient étrangement
homonymes de la grosse châtaigne
cuite ou confite
Continuer la lecture de « Hécatombe de marronniers »
Buisson ou arbuste
de peu de mine
jadis renommé
depuis oublié
D’ailleurs affublé d’un suffixe
qui dénonce des actions ratées
ou inutiles
Se déploie, le cornouiller
en deux variétés
complémentaires et opposées
comme le fer et le sang
dans un conte
pas pour enfants
L’un, cornouiller sanguin
cornus sanguinea
fleurit blanc
et possède des fruits noirs
immangeables
L’autre, cornouiller mâle
cornus mas
porte fleurs jaunes
puis fruits rouges
cerises oblongues
comestibles
une fois blettes
Ils sont tous deux
dotés de feuilles étranges
dont les nervures
au lieu de diverger
se rabattent vers une pointe
légèrement asymétrique