Le charme recommencé

Ensorcelé, charmé de neuf
faut que je rechante
les vertus du charme
Carpinus betulus
Suis-je, alors
chanteur de charme ?

Trapu et coriace
ses branches se replient parfois
se soudent au tronc
cannelures volumineuses
racines saillantes
serpent gris surgi
du talus

Jeteur de sortilège, de maléfice
noueur d’aiguillettes ?
Au chemin creux
bourbier l’hiver
mais à l’été
envoûtement de lumière
et de verdure
Le charme opère
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Effeuillaison

Aquarelle de Dominique Mansion

Effeuillage ?
Qui nous défeuille
nous effeuille
le paysage
à la saison d’effeuillaison
à la saison de l’effeuillement
signant le passage du temps ?

Le langage est un arbre
pluie de suffixes
se détache des branches

Limbes
nervures
pétioles
s’envolent

Et la stipule
remarquée par Lamarck ?

Après le passage des fleurs
aux fruits
le moment automnal
est-il essentiellement
mélancolique ?

Saturation d’été
de sécheresse
Excès de maturité

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Une poignée d’olives pour la route

À l’association 1851 et aux Amis des Mées

Une olive :
Quand je serai poète
je dédierai une ode
à l’olivier
ou peut-être seulement
à son rameau
ou alors simplement
à l’olive

L’éloge surgirait
d’un simple noyau
dur et strié

Oui, l’olive pose rondement
un idéal de perfection
et de forme
par l’ovale clos
la saveur, la concision
Eh oui, elle nourrit
et tout un chacun
est ravi par l’olive Continuer la lecture de « Une poignée d’olives pour la route »

Colosse effacé le cormier le sorbier

Bel arbre, sans mentir
feuillage composé, ajouré
lent à pousser
volontiers géant
pourvu qu’on lui laisse le temps
Borne des campagnes de jadis

À la croisée des chemins
ou en limite de parcelle
écorce de chêne
rameau comparable à celui du frêne
et à l’automne, saison des brumes
petits fruits
en forme de poire

Bois rouge
d’une telle dureté
qu’on hésitait à le travailler
sauf pour les manches d’outil
les rouages du moulin
la vis du pressoir
ou de la presse
gravure sur bois
poinçons de typographe

Cormier ou Sorbier domestique
sorbier dans le midi
cormier au nord, à l’ouest

Vous dites sorbier
je dis cormier
ou l’inverse
n’allons pas nous disputer
pourvu qu’on ait l’ivresse
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À l’orée

Couronnant la colline
depuis des temps immémoriaux
la forêt règne sur l’horizon

On n’en voit que la lisière
bord plus ou moins effrangé
limite plus ou moins effilochée

Faut-il dire lisière ou orée ?
Qui est dedans, qui est dehors ?
Un œil observe-t-il depuis la sylve ?

La plupart des villages, des ermitages
ont choisi de lui tourner le dos
d’ouvrir des essarts, des défrichages

À son abord quelque chose nous interdit
outre les panneaux défense d’entrer
Chasse privée, voire Attention pièges
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Avant de croquer la pomme

Illustration, Giovanna Garzoni, 17e siècle.

Il fallait bien y arriver
au pommier
et tout de suite
tomber dans les pommes
de mon enfance
au verger planté
par l’arrière-grand-père
prénommé Jules
dans la Sarthe

Tant le pommier suscite
autour de lui un jardin
de mots et mythologie
Ô Éden, ô Hespérides
filles de Madame l’Heure-du-soir
et du titan Atlas porte-monde

L’odeur des pommes
est un peu sure
Pommes à cidre
ou pommes à couteau ?
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Carl von Linné et l’amour

Né en dix-sept cent sept, Carl Nilsson
fut rebaptisé Carl Linnæus
puis encore Carolus Linnæus
(forme latinisée
d’un vieux suédois linn
à cause d’un tilleul
du domaine familial)
Une fois anobli en
Carl von Linné
il pouvait bien
s’interroger
sur le véritable
nom des choses
et tenter d’établir
une nomenclature
du monde
Systema Naturæ

S’étonnera-t-on
que son classement
assemble
deux noms
qu’il soit binominal
et latinisé
Le tilleul c’est tillia europaea
genre en premier
espèce en second

Pourtant, Carl Linnæus
ton nom est construit
dans l’autre sens
individu d’abord
groupe ensuite
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