L’érable brouillon

Érable champêtre, chez Gallica

Mon érable n’est pas américain
Nulle cabane à sucre
Rien à inciser
Pas de suc délectable
Il ne figure sur aucun drapeau
Il n’est pas non plus
le majestueux érable sycomore
ni l’érable plane
certainement vénérables
probablement admirables

Car ma préférence va
à l’érable champêtre et tors
banal dans la haie
en bordure de pré
en bordure de terre arable
aussi bien en pays sec
que mouillé

Acer campestre
champêtre
ou un de ces mots
désignant les paysans
et pour certains devenus
des insultes
Érable rustique
cul-terreux
péquenot
bouseux
vilain
païen

Son étymologie est incertaine
Porte-t-il le suffixe en –able
du faisable ?

Champêtre, l’érable ?
La possibilité, le droit
de quoi ?
D’errer dans la campagne ?
de se fourvoyer ?

Certes et mieux encore
de brouillonner dans la page de la haie
un fouillis de samares
de feuilles irrégulières
parfois chiffonnées
de tacher la haie à l’automne
de rehauts d’or ou de sang
de la hérisser d’effloraisons rouges
de tiges d’acajou

L’érable arbore ses samares
et, sans rancune
la même belle devise que la maison Larousse
« Je sème à tout vent »
alors que le grand dictionnaire guère flatteur
l’appelle « arbrisseau buissonneux »
comme qui dirait
abruti et miséreux

Serait-il misérable
dans le rideau de la haie
brouillon d’arbre
vilain rebelle ?

On a beau pousser plus en taillis
plus en cépée
qu’en futaie
on fabrique
grandes sœurs des échardes
ces éclisses
coins de bois dur
cales de bois dur
aussi capables
de bloquer, de séparer
que d’unir le fond et la table
du violon ou de la contrebasse

Ô, érable
quatuor à cordes
sauvage
qui joue dans la haie
Épines et samares
cymbales et clavecin
Rideau !

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