Épine noire, épine blanche

Après la disparition du givre
quelle nouvelle floraison
accroche aux branches
les mousselines immaculées
d’un nouveau printemps ?

Épine noire, épine blanche
mon cœur balance

L’épine noire du prunellier
est la première à fleurir
L’épine blanche
ou aubépine
est la plus parfumée

Elles fleurissent
sur les deux versants de l’imagination
aux deux versants d’avril
prunellier en mars
et aubépine en mai

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Les échasses d’aulne

Photo de Yannick Morhan

De l’aulne, le nom
un peu liquide
signale un arbre
qui se plaît
les racines dans l’eau
au point que sa présence
révèle dans le paysage
les contours des rivières
qui s’y cachent

Les résidents du bord de l’eau
marais, fontaines, ruisseaux
ont mauvaise réputation
et il court des bruits étranges
sur l’aulne comme sur le saule
ou le peuplier

Au sud, on dit verne ou vergne
comme le vieux Jules
de Vingt-mille Lieues sous les mers
Un monstre aquatique
nous observe-t-il, impavide
trempant négligemment
un tentacule dans l’onde ? Continuer la lecture de « Les échasses d’aulne »

Jules Verne et moi

VerneJe parle des œuvres complètes, de l’intégrale en format poche, avec les gravures d’origine, dans une édition plastifiée à laquelle avait participé Michel Roethel libraire spécialisé de la rue Lagrange que je finirais par rencontrer. Ses vitrines contenaient les somptueuses éditions originales des « Voyages fantastiques » de Jules Hetzel et cent autres trésors qui m’arrêtaient longuement alors que je descendais de la montagne Sainte-Geneviève, en revenant du collège. Tout cela déboule dans mon imagination déjà fiévreuse, le héros sous-marin, sombre, rebelle, qui s’appelle « personne », comme Ulysse, le flegme britannique qui me paraissait un idéal moral aussi élevé que le stoïcisme, l’astuce du Français Passepartout, une princesse indienne enlevée aux cruels sectateurs de Kali, un voyage dans la lune à bord d’un obus, un éléphant à vapeur, un héritage disputé lors d’un jeu de l’oie à la taille la carte des États-Unis, des diamants artificiels, une ville flottante, des Carpates ténébreuses, des robinsonnades en famille, les chevauchées furieuses de Michel Strogoff, ses yeux épargnés par la lame chauffée à rouge à cause des larmes versées sur le sort de sa mère. Et naturellement, j’en sauvais, des princesses ! Et les tourments dont je les délivrais étaient imaginés avec un sadisme raffiné.

Mon obstination à les lire tous, jusqu’au dernier, systématiquement, sans en sauter une ligne, révèle quelque chose, mais quoi ? Souvent, j’ai élaboré des programmes de lecture que j’ai appliqués avec une rigueur qui me paraît étrange, rétrospectivement. Ai-je contracté dans Jules Verne le goût de la liste, celui des noms latins de plantes ou d’animaux, du mélange de la fiction et du didactique ?

Une vie dans les livres