Complainte de la rue des Cités

Vers de mirliton, à partir de recherches aux archives municipales d’Aubervilliers, et dans Le Matin et Le Petit Parisien, en hommage à Félix Fénéon, originellement publiée sur remue.net.

Jadis on m’appelait « sente à Bigot »,
je descendais vers les fortifs,
entre les champs, les potagers.
Les moutons défilaient,
vers les abattoirs de la Villette.
Parfois une vache s’évadait et encornait un passant.
La chèvre noire de Cazavielle, un jour s’échappant,
ne fut rattrapée qu’aux Enfants-Rouges en plein Paris.

Puis en l’an mille huit cent cinquante à peu près,
le sieur Demars vendit ses prés,
Une ville-champignon y poussa.
On l’appela pompeusement cité Demars,
mais elle ne comportait ni pavage, ni égouts.
Aussi ses habitants souffrirent-ils,
quand le choléra s’abattit sur la ville,
en mille huit cent quatre-vingt-quatre,
seize malades dont onze morts.

Le conseil municipal la rebaptisa
tout de bon rue des Cités.
Vers mille neuf cent, la rue Sadi-Carnot fut percée,
Ce président avait été assassiné,
par l’anarchiste Caserio.

Alors, prospéraient les Quatre-Chemins.
l’ouverture du cimetière de Pantin,
pour loger les Parisiens défunts,
dont Isidore Ducasse, dit Lautréamont,
et l’arrivée des tramways
créent une importante circulation, ouais.

Putains, souteneurs, bonneteurs,
toute sorte d’apaches et de voleurs
côtoient ouvriers, journaliers et boutiquiers,
ou enfants qui font la ronde.

J’hébergeais tout ce beau monde,
le nourrissais et l’abreuvais :
marchand de vin, Krémer, au numéro deux,
au dix, Lapergue, vin et liqueurs,
au numéro trente-huit, pinard Chenevois,
épicier au cinquante, Decornoy.
Un boulanger s’appelait Couillon. Continuer la lecture de « Complainte de la rue des Cités »

Fragment de Maldoror

Où est-il passé ce premier chant de Maldoror, depuis que sa bouche, pleine des feuilles de la belladone, le laissa échapper, à travers les royaumes de la colère, dans un moment de réflexion ? Où est passé ce chant… On ne le sait pas au juste. Ce ne sont pas les arbres, ni les vents qui l’ont gardé.
Isidore Ducasse-Lautréamont, Les Chants de Maldoror.