Sept châteaux

I. Manoir éphémère

Probablement lundi
reconstruire le château
démoli par les intempéries
l’incendie
ou la police nationale
rassembler les hardes
éparpillées
rebâtir
la frêle cabane
de pluie, de bâches
bois, carton et courants d’air
radeau d’entre deux naufrages
dessin d’enfant collé
sur la porte dégondée

II. Château pour quoi ?

Non enfermer
moi dedans et vous dehors
ou l’inverse
mais circonscrire un espace
à nos rêves
notre soif d’habiter
en Bohême ou en Espagne
offrir refuge
panser plaies
prendre distance

III. Castel guingois

Celui-ci fut
dessiné par un enfant
Ses fenêtres migrent
tangentiellement
comme vol d’oiseaux
Le tracé des murs
ne ferme pas
et laisse circuler
les songes

IV. Château de jade

Forcément au château
obsidienne et ardoise
séditieux à la Sade
ou de Gilles de Rais
Tiffauges
édifice de fantasmes
souterrains
mais donne-moi la main
et nous sortirons
indemnes
des cryptes arpentées
par un moine famélique
et libidineux
verrous, loquets, cachots
et filles enfermées
chaînes et fantômes
dont un grand coup de vent
révolutionnaire
fendra l’enceinte
et éventrera les secrets

V. Château des nuages

Comme une Jérusalem
céleste
qu’un souffle ébranle
castel de mousse ou
manoir minuscule
bogue de châtaigne
cupule, coquille
d’escargot
ce château est de flocons
de duvet et de plume
castel qui ne pèse pas
sur l’âme

VI Manoir de mémoire

J’y tiens
Armoire, trappes, fenêtres
ouvrent abruptement
sur une prairie
ou une chambre que
nous avons hantée enfant
à rebrousse-temps
dans une contiguïté
toute personnelle
La porte du jardin
donne sur les palmiers
d’une oasis algérienne

VII. Château de sable

Ceint d’empreintes de pas
d’enfants
orné de goémons
de varechs
de coquilles et autres
trésors de l’estran
créneaux
mâchicoulis et barbacane
que la marée sape
et emportera
restituant sa blancheur
de plage
à la page

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