Prière à la haie

Eh, foin du thuya !
du laurier palme
de ces murs verts
taillés carrés
sans caractère !

Vivent les haies vives
d’essences variées
demi-sauvages
dont nul ne songe
à domestiquer
la hauteur !

Par tous les temps
les arbres font la haie
debout, sans lassitude
avec parfois quelque émoi
Un frisson dans le vent
Une rumeur dans la pluie

La haie raconte de
vieilles histoires de découpage
de frontière
de délimitation
de dots
d’héritages
d’avant
le remembrement

Haie
es-tu perspective
monde en deux dimensions ?

De profil en effet
la haie impressionne peu
de face elle tend
un rideau de théâtre
de théâtre de verdure
sur le paysage
Est-elle une forêt linéaire ?

S’alignent comme les mots
d’une phrase
comme les vers
d’un acrostiche

Houx
Aubépine
If ?
Églantier

Surtout sans oublier
sorbier
noisetier
chêne
charme
cytise
érable champêtre
prunellier
cormier
cornouiller
frêne
merisier
viorne

La haie
protège du vent
de la pluie
d’un soleil trop ardent
et de l’indiscrétion

Progressant, masqué par elle
on attrape des souvenirs de chouannerie
de jacquerie
de liberté

Telle qu’elle est
un homme l’a plantée
l’a recépée
l’a taillée
jardinier et paysagiste oublié
puis son fils
et le fils de son fils

Haie, parfois on déplore
cicatrices d’élagages brutaux
à la machine
branches éclatées et non coupées,
massacre de rinceaux
d’arcatures spontanées
ou arrachage
dessouchage
piles de bois de chauffage
Qui te hait ?

Têtards et trognes à l’abandon
d’aventure un arbre mort
est tenu debout
par ses voisins vivants

Haie, parfois des tiges
horizontales
témoignent d’un plessage ancien,
tressage de noisetier
ou de charme tout vifs
qui la transformait
en clôture végétale
infranchissable et épineuse
avant que le fil de fer barbelé
ne s’imposât partout

Eh, la haie !
tu t’ornes
à l’automne
de guirlandes
de colliers
Et ronce
et viorne
et houblon
et bryone
te parent de bijoux vernis
noirs, rouges, oranges
de plumets
de samares

Et la haie
nous nourrit
de fruits acides
ou sucrés
surtout conseillés
après la première gelée

Haie, toi
qui abrites renard, blaireau
où se perche l’oiseau
qui retiens la rive
qui retiens la terre du talus
ohé, retiens-nous quand
cache-nous quand
le vent mauvais
l’eau noire et laide
veulent
nous emmener

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