Érable matamore

Avec de l’élan et de l’allant
pour me hisser à la hauteur
j’ai tourné sur moi-même
bras étendus
choisi des mots longilignes

Mais pardon
cher Carl von Linné
Acer pseudoplatanus
érable ou sycomore ?
À ne pas confondre
avec acer platanoides
ni avec l’érable
à feuilles d’obier ?
Je crois qu’un tel fouillis
nuit à la compréhension

Franchement, est-ce
un figuier vénérable ?
un platane d’Orient
même si l’écorce s’écaille ?
Non, c’est un érable élancé
dont les feuilles opposées
ont cinq lobes dentés
et de longs pétioles
souvent rouges
Pourquoi ces hésitations ?

Lequel est faux, lequel vrai ?
Lequel ressemble à l’autre ?
Pourquoi pas érable altier
ou érable à violons ?
D’autres disent plus simplement
grand érable, érable blanc
ou érable des montagnes Continuer la lecture de « Érable matamore »

Lande d’ajoncs

J’ai envie de chanter là
la lande
et l’ajonc acéré
Si La lande 
touche le ciel
a écrit Guillevic, Eugène
ou était-ce Le Braz, Anatole
l’ajonc l’ancre

Faut-il le dire, c’est du Cotentin
que je reviens, illuminé
enluminé d’un coup de soleil
finistère proche et lointain
ce qui conduit à consulter
des Bretons d’outre-tombe
un Suédois et peut-être un Américain

Nécromant ordinaire
je converse souvent avec des morts
qui me contredisent moins
que les vivants

Pourtant, Anatole me met en garde
contre la poésie de boule à neige
« prenez quelques clochers à jours
quelques calvaires, un air de biniou
trois notes de bombarde
vous ajoutez un brin de genêt
un bouquet d’ajonc-d’or
du vent, de la brume, de la pluie, de la mer
vous mêlez le tout, vous agitez fortement
et vous avez la Bretagne »

Mais l’ajonc bien sûr
nuances de vert
allure mousseuse
trompeuse douceur
ulex europaeus
a piqué ma curiosité
pas seulement
quand je me suis assis dessus
par mégarde

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Magnolia

Qu’est-ce que le magnolia
vient faire là ?

Ses grandes fleurs blanches
dans un feuillage épais
dur, et presque verni
son tronc pâle et lisse
viennent du Nouveau Monde
« Laurier tulipier » l’ont
appelé les Français
de Basse Louisiane

Sans doute il pousse aussi
dans les Florides
aux frontières
de leur rêve américain

Au village, pourtant
Claude en a un
dans son jardin
Comme Martine et Alain
Magnolia grandiflora
et je les admire
au pays de la Coudre
et de la Même

Le père Charles Plumier
mort d’avoir trop voyagé
l’a dessiné
et baptisé « magnolia »
dans Nova plantarum
americanarum genera
en mil sept cent trois
en hommage à Pierre Magnol
un Provençal, on le devine
directeur du jardin des Plantes
de Montpellier
et auteur de plusieurs traités
de botanique en latin

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Lettre du Cèdre

Enivré par son parfum
son ombre profonde
son écorce
reconnaissant pour la fraîcheur
qu’il a offerte à mes études
par un été de canicule
mauvaise idée
j’essaie
un poème du cèdre

Et bientôt je vois
à quel point le sujet est trop grand
pour moi
trop vaste
pour tenir dans mon carnet
trop vaste pour être embrassé
trop élevé pour y cueillir
une pomme ou un rameau
Toute mon encre
n’y suffirait pas

Le cèdre
m’a scotché
cathédrale faite arbre
et sa résine odorante

Eh oui, on le sait
altier, le cèdre
vient d’une autre ère
et il a traversé les mers
avec les Phéniciens
et leurs étroites nefs

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Chanson du néflier

En photo, le vénérable néflier de Bell House à Dulwich

– Des nèfles ?
Écoutez tout de même
la chanson du néflier
« arbre au tronc tordu
et difforme » insulte
le dictionnaire
Le Robert

Je ne vous parle pas
du néflier du Japon
mais de celui plaisamment
irrégulier, piquant
qui pousse
sauvage, en bordure
de notre mémoire
à l’orée du bois
un peu suri
sur le bout de langue
ou dans les haies
néflier commun
Mespilus ou plutôt
Crataegus germanica

Pourquoi germanica
ce cousin de l’aubépin ?
Des hommes qui voyageaient
avec des arbres
l’ont rapporté
des Balkans ou d’Arménie
d’Iran, de Crimée
ou du Turkménistan
Moine gyrovague ?
Explorateur grec ?
Légionnaire romain ?
On ne sait
peut-être les trois

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Fragon ou petit-houx

Arbuste, même pas
arbrisseau, à peine
buisson on dirait

Ici, à flanc de coteau
sablonneux
sauvages
sous les chênes
brûlent les flammèches
vertes et pointues
et brasillent
les fruits rouges
du fragon
dit « petit-houx »

J’apprends que ses feuilles
ne sont pas des feuilles
mais des cladodes
non des pagodes
vous-dis je
mais des cladodes
C’est une méthode
pour affiner
les tiges, qu’elles servent
de feuilles

Sempervirent et piquant
doté d’étranges fleurs
il est aussi, le fragon
surnommé « fesse-larrons »
châtiment saignant
en toute saison
Ruscus aculeatus

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Miracles de l’églantier

C’est le jour où célébrer
la gloire d’une fleur
églantine
et du buisson épineux
qui la rehausse
d’obéir
à son invitation
d’ailleurs, elle attend à ma porte
rejetée d’un porte-greffe taillé
trop court

Car si l’arbuste est églantier
jadis aiglant, ou aiglantier
pour ses épines griffues
comme des serres
la fleur est églantine
d’où l’on baptisa beaucoup
de jeunes filles en fleur
des siècles précédents

Sa corolle, jupe de cancan
pour la troupe de Mademoiselle
Églantine, avec Jane Avril
ou plutôt mai ?

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Au coing

Quel mystère
cache le coing
Cydonia oblonga ?

Au moins un « g » muet
comme à sang ou poing
ancêtre dur à cuire ?

Le nom de l’arbre
« cognassier »
évoque d’ailleurs une dureté
que ne dément pas
toujours la chair du fruit

Ses roses
délicatement roses
à cinq pétales
au bout de branches torses
égaient au printemps
les bords des rivières
et des fossés

Petit, râblé
souvent mal coiffé
dans la Drôme
j’en suis témoin
il repousse
naturellement
et résiste à la canicule

Né sur quelque rivage
de la mer Caspienne
Iran ? Azerbaïdjan ?
il aurait parfumé
les jardins suspendus
de Babylone

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Amélanchier

Amélanchier

Pas facile, direz-vous
de rimer
l’arbuste des pierriers
calcaires ensoleillés
des schistes friables
en français
amélanchier

Le provençal dit
amelanco
le catalan
guillomo
on sait
qu’il est du Sud
de part et d’autre
de la Méditerrannée

Amelanchier ovalis
l’a baptisé l’Allemand
Medikus en mil sept cent
quatre vingt treize
peu avant que les canons
français ne détruisent
son jardin botanique

Et l’amélanchier
sème sur les pentes
accroche aux falaises
ses fins bouquets
d’étoiles blanches
suspendues à de grêles
tiges grises

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Peuplier blanc

Je n’y croyais pas vraiment
au peuplier blanc
mais à Limoux
périple de vacances
dans un méandre de l’Aude
zone inondable également guettée
par la sécheresse et le déluge
ni chair ni poisson
mi-figue mi-raisin
près du club de canoë-kayak
en contrebas du Super U
il a surgi, inattendu
populus alba
évident, lumineux et nu
dans le soleil décembriste

Et comme Claudel
à Notre-Dame de Paris pour Noël
près du second pilier
à l’entrée du chœur
« En un instant, mon cœur
fut touché, et je crus. »

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